“Le vrai lieu” et l’impératif spatial dans l’ontologie d’Yves Bonnefoy
Résumé L’expression « vrai lieu » est omniprésente dans l’œuvre d’Yves Bonnefoy. Associée explicitement à la poésie, elle se caractérise également par une intention déictique car « le vrai lieu », nous dit Bonnefoy, « c’est toujours un ici ». Ce « vrai lieu » revêt une importance primordiale chez lui car c’est précisément dans cet espace poétique et langagier qu’il développe l’ontologie de la présence, clef de voûte de son œuvre. Notre communication s’appuie sur les travaux de Lakoff et Johnson (Les Métaphores dans la vie quotidienne) pour expliquer comment Bonnefoy cherche à résoudre le paradoxe de faire dire la présence – expérience éminemment extralinguistique – par le biais du langage. Nous montrons que c’est précisément par la métaphore de l’espace et par la localisation déictique que Bonnefoy crée un lieu virtuel – ce « vrai lieu » – où il veut piéger la présence pour permettre au lecteur de la rejoindre.
Abstract The notion of “vrai lieu”, or “true place” can be found everywhere in the work of Yves Bonnefoy. Although he associates it explicitly with poetry, the expression is also characterized by a deictic purpose inasmuch as the “vrai lieu”, as Bonnefoy tells us, “is always a here”. Bonnefoy’s “true place” is of vital importance, for he uses this convergence between poetry and linguistics to develop the ontology of presence, a key feature of his writing. This article uses Lakoff and Johnson’s Metaphors We Live By to analyze how Bonnefoy solves the paradox of making language convey an experience as eminently extra-linguistic as presence. The article shows that it is through spatial metaphor and deictic localization that Bonnefoy manages to create the “true place” where he hopes to grasp presence in order to make it available for the reader.
Mots-clés Yves Bonnefoy – métaphore – linguistique – deixis – présence
Keywords Yves Bonnefoy – metaphor – linguistics – deixis – presence
Dire de la littérature qu’elle est spatiale, c’est une autre façon de dire qu’on existe ensemble grâce à elle.[1]
Introduction
Cette épigraphe résume parfaitement le rapport qu’Yves Bonnefoy entretenait avec la spatialisation de l’écrit, notion qu’il concrétisa dans sa poésie et ses essais. Habituellement, on situe autour des dernières décennies du XXe siècle ce qui prendra le nom de « tournant spatial » en sciences humaines et sociales. Or en littérature française, la perception d’une spatialité qui serait latente dans l’écriture apparaît dès le milieu du siècle, notamment dans les travaux de Gaston Bachelard et de Maurice Blanchot. Ces derniers, par leurs titres évocateurs – La Poétique de l’espace (1957) pour le premier, et L’Espace littéraire (1955) pour le deuxième – se situent à l’avant-garde de la réflexion sur une spatialisation de la littérature. Cependant, dès 1953, leur cadet, Yves Bonnefoy, avait déjà commencé à thématiser la notion d’espace – ou plus précisément, celui de « lieu » – dans ses écrits. Si l’on peut difficilement concilier certains aspects du point de vue blanchottien (« L’écrivain appartient à un langage que personne ne parle, qui ne s’adresse à personne, qui n’a pas de centre, qui ne révèle rien »[2]) avec la position que Bonnefoy commençait déjà à prendre, il est évident que la pensée de Bachelard tenait une place importante dans la vie du jeune Bonnefoy. Il suivit en 1948 un cours de Bachelard dont il dirait plus tard : « Ce fut quasiment des cours particuliers pendant un an, car le cours de l’Institut d’histoire des sciences était peu fréquenté, au contraire de celui qu’il donnait sur l’imaginaire de la matière à la Sorbonne »[3]. Bonnefoy et Bachelard entretinrent une correspondance jusqu’au décès du philosophe en 1962.
Comme l’ont fait remarquer nombre de critiques, la notion de lieu constitue l’une des dynamiques centrales dans la poétique d’Yves Bonnefoy. Aucun lecteur de son premier volume de poésie, Du Mouvement et de l’Immobilité de Douve (1953), ne peut l’ignorer : le dernier des cinq « actes » du volume s’intitule « Vrai Lieu » ; trois des six poèmes de cette section portent le mot « lieu » dans leur titre : « Lieu du combat », « Lieu de la Salamandre » et « Vrai Lieu du Cerf ». Alex Argyros indique au sujet du recueil : « By far the dominant trope in the poem is that of place. From “Théâtre”, to the various “vrai lieu”’s to “Orangerie”, to “Chapelle Brancacci”, to “His [sic] Est Locus Patriae”, the poems which comprise Douve are repeatedly concerned with the question of a finite location »[4]. Marie-France Renard souligne également l’importance de l’espace pour Bonnefoy : « Tant les titres de ses recueils de poèmes […] que les thèmes qui y sont développés […], ou bien encore les images elles-mêmes s’avèrent être pétris d’espace »[5]. Cette problématique est développée sur un plan symbolique dans Poétique du lieu dans l’œuvre d’Yves Bonnefoy, ouvrage de Patrick Née sur les lieux de Rome et d’Égypte dans l’imaginaire de Bonnefoy.
L’analyse de ces critiques se trouve confortée par la position de Bonnefoy lui-même : non seulement recourt-il fréquemment à des expressions spatiales dans ses poèmes, mais dans ses essais, il explicite la position intellectuelle qui soutient l’image de « lieu »[6]. L’Improbable, son premier recueil d’essais, contient quatorze occurrences de l’expression « vrai lieu ». Dans une des premières, Bonnefoy donne l’origine de l’expression : « Je pense à la formule grecque du vrai lieu, détournée de son sens […] »[7]. En effet, le détournement bonnefoysien est radical, car la « chôra » platonicienne décrit un espace métaphysique dans lequel toute chose évolue vers sa dégradation et sa corruption. Cet espace peut évidemment être qualifié de « vrai » car il figure la réalité physique du monde. Mais lorsque Bonnefoy écrit, « Le vrai lieu est celui d’une conversion profonde »[8], il donne un tout autre sens à cette transformation métaphysique, renversant complètement la position négative de Platon. Le « vrai lieu » bonnefoysien est un espace où l’individu peut prendre conscience que « l’universel a son lieu » et que celui-ci est matériel et non conceptuel[9].
Dans ces pages, nous faisons l’hypothèse que la « conversion » que Bonnefoy évoque implique un changement de paradigme qui n’est possible que par la spatialisation, c’est-à-dire, par la création d’un espace dans lequel peuvent advenir les notions essentielles à la construction de sa position théorique, en particulier, la notion de la « présence ». La gravitas théologique qui accompagne « conversion » et « présence » (les deux mots sont essentiels dans le dogme chrétien) suggère que pour Bonnefoy, cette spatialisation a une valeur qui dépasse l’esthétique et tend vers la nécessité philosophique. Dans ces pages, nous partons des questions : Pourquoi « lieu » ? Pourquoi « vrai » ? pour examiner leur ancrage métaphorique. Nous interrogeons leur rapport avec la linguistique saussurienne qui fournit à Bonnefoy les outils pour asseoir sa pensée philosophique, fondée sur les notions de « différence », « parole » et « deixis » et cherchons à rendre compte des constructions intellectuelles que Bonnefoy met en place pour défendre la nécessité de la poésie.
La « présence » bonnefoysienne et son accomplissement dans une poésie spatialisée
L’image de « lieu », si omniprésente dans l’œuvre de Bonnefoy invite à interrogation : que peut-il se trouver dans ce lieu ? Lorsque Bonnefoy écrit : « je dis que le désir du vrai lieu, c’est le serment de la poésie »[10], nous dit-il que le « vrai lieu » est tout simplement l’endroit où demeure la poésie ? Comme nous le verrons, le recours à la spatialisation permet à Bonnefoy une extension bien plus vaste, car sa réinvention du « vrai lieu » platonicien entre en résonance avec son objectif premier, à savoir, la transmission par la poésie de la notion théo-philosophique de « présence ». Cette dernière – fondamentale pour comprendre le positionnement de Bonnefoy – a été très largement traitée dans les travaux de recherche sur son œuvre ; aussi ne ferons-nous ici qu’une description succincte des grands principes. Comme l’attestent ses nombreux essais, le problème central auquel Bonnefoy se confronte est celui de trouver un moyen de transmettre par l’écriture une idée qui est foncièrement extralinguistique. En effet, la « présence », notion théologique à ses origines, et devenue philosophique au fil du temps, se définit chez Bonnefoy comme une relation qui se construit dans l’immédiateté des échanges entre des êtres disponibles les uns pour les autres. Cette relation est notoirement difficile à véhiculer par l’écrit car le langage lui-même forme un obstacle à la transmission. Poète, Bonnefoy défend avec force l’idée que seule la poésie peut effectuer cette transaction métaphysique, car en plus de travailler avec les images et les sèmes, elle œuvre dans la matérialité même du langage, c’est-à-dire, dans l’aspect visuel des mots et dans les sons physiques qui leur sont associés. La poésie englobe donc les aspects réels et virtuels du langage et cela lui confère une capacité unique à recueillir et à transmettre l’expérience de la « présence ». Il nous semble que c’est précisément pour défendre la réalité objective de cette capacité de transfert que Bonnefoy échafaude une vision spatiale du langage, vision matérialisée par la notion d’un « vrai lieu » à l’intérieur duquel la « présence » peut trouver et occuper sa place dans l’écriture.
Le « vrai lieu » comme objet métaphorique
Mais comment ce « vrai lieu » se construit-il ? Quelle est la nature de cet espace textuel ? Il faut d’abord prendre conscience du fait que ce lieu textuel est une image. Comme l’ont fait remarquer certains linguistes, notamment Michael Reddy, George Lakoff et Mark Johnson, voir dans le langage une dimension spatiale ou le voir comme un récipient (ou toute autre image) revient à l’imaginer sous forme de métaphore. Nietzsche avait déjà pressenti cela lorsqu’il écrivait que les mots du langage ordinaire étaient des « métaphores usées » semblables à des pièces de monnaie dont l’effigie aurait été effacée par le passage du temps[11]. Pour Reddy, des expressions banales, usuelles, comme, « il faut mettre ces idées ailleurs dans le paragraphe » ou encore « ces phrases sont vides de sens » révèlent la métaphorisation qui structure notre langage et à laquelle nous ne pouvons que difficilement échapper[12]. Cette théorisation permet de contextualiser la pratique de Bonnefoy, car justement, en dépit de la fréquence de son recours à la notion de « vrai lieu », il n’évoque jamais la métaphoricité de cette image. Cela est d’autant plus surprenant que concernant des points de langage et de théorie, il fait habituellement preuve d’une acuité extrême. La raison de ce silence est liée, nous semble-t-il, à la nature de la métaphore en général, et aussi aux fondements linguistiques dans lesquelles Bonnefoy ancre ce « vrai lieu ». Ensemble, ces éléments lui permettent de construire le « vrai lieu » textuel et de défendre l’idée de son existence « réelle ».
Comme en témoignent les travaux quasi-contemporains de Bachelard et de Blanchot, la spatialisation textuelle n’est pas une métaphore spécifiquement bonnefoysienne. Elle ne peut donc être ce que la rhétorique qualifie de « métaphore vive », c’est-à-dire, une métaphore originale, inventée pour un contexte précis, telle, par exemple, la terre « bleue comme une orange » d’Éluard. Ce point est important car la reprise, sans vraie remise en question, par Bonnefoy de la métaphore spatiale suggère l’emprise qu’elle détient sur tous les esprits – même ceux des poètes qu’on pourrait considérer comme des « professionnels » du langage, plus aguerris à ses pièges. En effet, si cette spatialisation n’est pas une métaphore nouvelle, elle n’est pas pour autant inerte, mais entre dans un dispositif métaphorique que décrivent de manière convaincante Lakoff et Johnson. Pour eux, les métaphores, même celles qui ne sont pas vives, ne sont pas de simples décorations rhétoriques destinés uniquement à embellir la communication. Au contraire, elles reflètent le fait que « la métaphore n’est pas seulement affaire de langage ou question de mots. Ce sont au contraire les processus de pensée humaine qui sont en grande partie métaphoriques »[13]. Cela signifie que nous construisons notre expérience de vie au moyen de représentations qui sont essentiellement métaphoriques, et que celles-ci conditionnent à leur tour notre façon d’appréhender les systèmes conceptuels qui déterminent notre vision du monde. Encore une fois, l’exemple donné par Reddy – l’omniprésence de la perception du langage comme un canal qui conduirait les idées d’un esprit à un autre – est particulièrement parlant, car toute notre façon de concevoir le langage est imprégnée de cette image, qui nous paraît si juste que nous ne percevons plus qu’elle n’est autre qu’une métaphore[14].
Mais pourquoi Bonnefoy aurait-il choisi cette métaphore ? La théorie proposée par Lakoff et Johnson est particulièrement efficace pour expliquer pourquoi la métaphore « vrai lieu » semble si éminemment légitime. La conception de la poésie (ou du texte) comme lieu fonctionne de manière intuitive car elle repose sur une vision spatiale de la littérature qui est aisément reconnaissable dans sa dimension physique : on peut voir le texte comme un ensemble de surfaces superposées sur lesquelles sont distribués des symboles manuscrits ou typographiques. Cet objet occupe littéralement un volume et un espace physique. Plus globalement, la métaphore du « vrai lieu » est cohérente au sein d’un système de représentations spatiales très répandu, ce que Lakoff et Johnson soulignent : « les métaphores de spatialisation sont enracinées dans notre expérience culturelle et physique : elles ne sont pas attribuées au hasard »[15]. Cette tendance à voir les idées en termes spatiaux forme, selon eux, le socle d’un système cohérent qui génère la recevabilité de certaines métaphores : « La cohérence du système global semble être au moins partiellement à l’origine du choix des métaphores »[16]. Mais si le choix de « vrai lieu » s’intègre dans le système cohérent et préexistant, il faut quand même s’interroger sur les transformations que Bonnefoy fait subir à la métaphore spatiale.
De « l’espace » au « lieu »
Cette métaphore évoque un espace textuel – métaphore que Bachelard et Blanchot reprennent à l’identique. La question se pose donc pour Bonnefoy : pourquoi « lieu » plutôt qu’« espace » ? Lakhoff et Johnson montrent que le choix d’une métaphore – ici, la spatialisation du texte – rend possible certaines associations et en écarte d’autres : « lorsque nous disons qu’un concept est structuré par une métaphore, nous voulons dire qu’il l’est partiellement et qu’il peut être prolongé de certain côtés mais non d’autres »[17]. En ce qui concerne « espace » et « lieu », leur positionnement dans un seul réseau métaphorique rend tout à fait recevable le glissement de l’un vers l’autre. Or si ce raisonnement permet de comprendre la substitution de « lieu » pour « espace », il n’explique pas la nécessité de ce choix pour Bonnefoy. En effet, le mot « lieu » a une extension qui est directement liée à l’objectif bonnefoysien principal, à savoir, la transmission de la « présence ». Dans Rome 1630, Bonnefoy définit la différence qu’il conçoit entre « espace » et « lieu » : pour lui, « espace » relève de la dimension visible, physique, d’un endroit, alors qu’il décrit le « lieu » comme intangible, invisible[18]. Métonymiquement le « lieu » peut donc être plus naturellement identifié à la « présence », avec laquelle il partage ces deux caractéristiques ineffables. Une fois ce lien établi, l’on comprend mieux le glissement vers « lieu » car ce dernier indique une transformation d’intention et de possibilités. En effet, Bonnefoy semble sentir que la notion de « lieu », contrairement à celle d’« espace », peut non seulement figurer une destination, mais aussi un endroit où séjourner : on peut habiter un lieu, mais il est plus difficile d’habiter un espace. En transformant « espace » en « lieu », Bonnefoy évoque un endroit où il est possible d’être, image qui revient souvent dans ses écrits et qu’il assimile explicitement à la notion de « présence ». S’ensuit logiquement la question de comment la « présence » peut investir ce lieu textuel. Ce problème constitue la clef de voûte de la tâche que Bonnefoy se fixe.
Le « vrai lieu » et sa « matérialisation » textuelle
Si Bonnefoy semble refuser de reconnaître la dimension fondamentalement métaphorique de ce « lieu » textuel, cela est lié, nous semble-t-il, à un objectif de « dé-métaphorisation » qu’il cherche à effectuer sur l’image du « lieu » par le biais de la linguistique. Cela nous amène à notre deuxième question : quelle valeur Bonnefoy accorde-t-il à « vrai » ? Dans un premier temps, cet adjectif remplit évidemment sa fonction naturelle, servant à qualifier le nom et à le catégoriser par rapport aux autres occurrences du même nom. Mais la catégorisation a aussi des effets ontologiques qui impactent la nature même de ce « lieu ». Comme nous le rappellent Lakoff et Johnson, « La catégorisation est une manière naturelle d’identifier un type d’objet ou d’expérience, mettant en valeur certains [sic] propriétés, en minimisant d’autres, et en occultant d’autres encore […] En effet, mettre en valeur certaines propriétés, c’est nécessairement minimiser et en masquer d’autres »[19]. Ainsi apposer l’adjectif « vrai » à « lieu » le fait entrer dans un réseau de signification qui comprend, par exemple, des notions telles que « réel », « authentique », « avéré », etc., tout en écartant « faux », « factice », ou « fictionnel ».
Même si le « vrai lieu » est donné comme une reprise de la chôra platonicienne, Bonnefoy assume complètement l’expression. Le danger de l’adjectif pour le lecteur contemporain est donc qu’il puisse être perçu tout simplement comme l’expression d’un point de vue individuel, partial, position qui pourrait donc être rejeté. Pour contrer cette possibilité et asseoir la légitimité du choix, Bonnefoy mobilise trois éléments issus de la linguistique : le concept de la « différence » ; la notion de « parole », comprise dans son opposition à celle de « langue » ; et l’emploi de la deixis. Le fonctionnement imbriqué de ces trois éléments vise à la création d’un espace textuel qui serait « réel » et non pas fictionnel.
« Différence » et « parole » : le lexique saussurien à l’œuvre
Bonnefoy, comme nombre de ses pairs de la génération d’entre-deux-guerres, fut durablement marqué par la linguistique structurelle. Cela se ressent dans son remaniement de la notion de l’« arbitraire du signe » et du concept de « différence » qui en découle. Pour Saussure, comme pour d’autres penseurs, la relation entre signifiant et signifié est totalement arbitraire : il n’y a aucun lien sémantique entre la chose et le mot qui l’identifie. Le sens provient non pas de la relation mot/chose, mais de la différence imaginée comme « spatiale » entre un mot et le réseau sémantique et phonique qui l’entoure. Ainsi le mot « table » obtient son identité phonique par la différence qui le sépare de, par exemple, « râble », « sable » ou « cartable ». De même, il se différencie sémantiquement de « comptoir », « pupitre » ou « desserte ». La dimension spatiale de cette relation devient apparente lorsqu’on imagine le mot comme un noyau autour duquel gravitent ses « non-équivalents ». Étant donné la grande familiarité de Bonnefoy avec les travaux de Saussure, il semble légitime de considérer que la spatialisation engendrée par la notion de différence peut être à l’origine de la prévalence d’images spatiales dans son œuvre : en effet, au sein de la linguistique, la conception spatiale de cette différence est réelle.
Or le projet bonnefoysien entretient aussi une relation ambiguë avec le structuralisme, critiquant assez âprement les effets de la pensée de Saussure[20], tout en adhérant complètement à l’outil structuraliste. Cela ressort dans sa cooptation totale du vocabulaire saussurien, vocabulaire qu’il utilise pour défendre l’idée que le langage peut transmettre la « présence ». Cependant, comme le fait remarquer Bruno Gelas, le sens du lexique saussurien est radicalement transformé par Bonnefoy :
Bonnefoy ne désavouerait sans doute pas [le cadre de la réflexion des linguistes] dans la mesure surtout où il se constitue autour du fait que les mots sont ou non le lieu et l’objet d’un échange entre ceux qui parlent. Mais il en déplace les termes : ce qu’il appelle langue/parole n’a pas de véritable rapport avec l’opposition saussurienne ‘virtuelle vs. réalisée’.[21]
En effet, dans sa recherche d’un fondement objectif au système langagier, Saussure met en valeur la notion de « langage », objet principal d’étude scientifique. La « parole » pour lui est « volontaire ; momentanée », l’apanage de l’individu[22] ; elle n’a donc qu’un intérêt secondaire. Bonnefoy reprend à l’identique le vocabulaire saussurien mais, inversant la position de Saussure, il attribue une valeur éthique, supérieure, à la « parole ». Pourquoi ? Précisément parce que celle-ci est le fait de l’individu dans son être incarné et dans le moment de l’énoncé. Elle est située, par rapport au locuteur et prend donc une valeur spatiale, ce qui transparaît dans son affirmation : « La poésie se poursuit dans l’espace de la parole, mais chaque pas en est vérifiable dans un monde réaffirmé »[23]. Cet « espace de la parole » a le potentiel de devenir le « vrai lieu » car son authenticité est validée par sa comparaison au monde réel.
Le rejet bonnefoysien du discours scientifique saussurien apparaît clairement dans le champ lexical qu’il choisit pour évoquer la différence entre langage et parole : « le péché originel, écrit-il, est de systématiser les notions, c’est la langue, par opposition à la parole ; et la poésie c’est se délivrer du péché originel »[24]. Ce langage théologique, en attribuant une valeur morale à la relation entre « parole » et poésie, ouvre la possibilité que le langage poétique puisse accueillir la « présence » : « La poésie, écrit-il, n’exclut pas la présence ; elle la crée »[25]. Cette démarche de création donne donc une double dimension ontologique à la « présence » : la « présence » permet aux êtres d’entrer en relation, mais aussi, puisqu’elle est créée par la poésie, elle est. Ainsi Bonnefoy construit-il un triptyque qu’il veut non-métaphorique et qui met en relation poésie, « parole » et « présence », qui sont et qui doivent donc occuper un espace réel, le « vrai lieu ».
Le « ici » déictique
Mais comment Bonnefoy fait-il fonctionner cette localisation ? Comme le fait remarquer Saussure, la « parole », cet acte d’expression individuel qui s’oppose au système du langage, se produit dans le temps. Mais elle est aussi localisée par rapport au locuteur. Ces attributs sont tout simplement les déictiques, hic et nunc, qui apparaissent si fréquemment dans l’œuvre de Bonnefoy. Et c’est précisément par le biais de la deixis que Bonnefoy va chercher à asseoir sa position théorique, position qui veut rendre compte des pouvoirs de la poésie.
La deixis, il faut dire, est un élément linguistique complexe car elle fait référence à une catégorie de langage dont la signification est instable et dépend toujours du contexte environnant. Succinctement, le mot déictique peut se définir comme un mot dont le référent exact ne peut être identifié qu’au moment de l’énonciation. Ainsi, si une définition invariable du mot « ici » peut être donnée (« mot désignant un emplacement proche du locuteur »), cette définition varie en fonction du locuteur et de sa situation. Il en est évidemment de même pour les autres déictiques, « je », « maintenant », etc. : à la définition stable de ces déictiques (ou indexicaux), il faut ajouter le « vrai » signifié variable. Cette caractéristique de ne pouvoir obtenir un sens complet que dans l’acte de parole est primordiale. C’est sur cela que Bonnefoy fonde l’idée que le langage (et a fortiori le langage poétique) peut s’ouvrir à la « présence » du monde réel. En effet, le mot déictique souligne la présence incontestable de son référent et en présume sa réalité, comme le thématise Bonnefoy lorsqu’il écrit : « Loin d’être le prisme déformant, qui n’incite qu’à de l’illusoire, le vers est l’index qui pointe vers cet au-delà du vocable qui est notre seul contact qu’on puisse dire tangible avec une réalité autrement insaisissable »[26]. D’ailleurs, dans un courriel qu’il m’a adressé en juin 2010, il écrivait : « la deixis est le porche de la création poétique ».
Si la deixis est cruciale dans la pensée de Bonnefoy, c’est d’une part parce qu’elle indique une réalité référentielle irrécusable, et d’autre part parce que les mots déictiques brisent le système de langage référentiel, car ils nécessitent un acte de langage individuel – la « parole » – pour les actualiser. Selon l’analyse de Lakoff et Johnson, évoquée plus haut, la métaphore spatiale est presque une précondition à l’emploi de la deixis car, elle instaure un système où certains choix d’images semblent naturels et d’autres non. On ne saurait trop souligner l’importance chez Bonnefoy de la conjonction entre la métaphore spatiale et la deixis. En effet, c’est l’existence de la métaphore spatiale qui permet à la deixis d’advenir ontologiquement et textuellement, comme on le voit dans l’union du « lieu » métaphorique et du « ici » déictique que Bonnefoy évoque dans un essai : « Ici (le vrai lieu est toujours un ici), ici la réalité muette ou distante et mon existence se rejoignent »[27]. Tel un doigt insistant, la triple répétition d’« ici » souligne la fonction déictique du mot par une localisation qui indique à la fois le monde réel et celui du texte, estompant les frontières entre les deux. C’est par cette fusion entre monde et texte que la deixis permet à Bonnefoy de postuler le sens de communion et de partage associé à la notion de « présence ». Le « ici » textuel que l’écrivain utilise pour indiquer son propre travail a une fonction déictique qui ne désigne pas l’extralinguistique, mais plutôt l’espace dans le texte. Or cet espace imaginaire, cet « ici » pour l’écrivain, devient par l’acte de lecture aussi un « ici » pour le lecteur, en raison de l’attention que les deux portent à l’espace physique du texte écrit. C’est dans cette attention conjointe que Bonnefoy perçoit la « présence » comme textuellement possible.
Mais concrètement, comment la « parole » peut-elle représenter le hic et nunc de la « présence » ? Pour comprendre cela, il faut examiner la relation que Bonnefoy entretient avec la pensée hégélienne. En réponse à la célèbre observation de Hegel que le langage ne peut appréhender le « ici » et le « maintenant » que comme des absences et non comme des entités objectives, Bonnefoy reconnaît l’importance de la position hégélienne, mais s’y oppose viscéralement. Pour montrer l’inadéquation entre le langage et la réalité, Hegel écrivait : « À la question : ‘Qu’est-ce que le maintenant ?’ répondons, par exemple ‘Maintenant c’est la nuit’ ». Bonnefoy reprend cette phrase et suggère que même si Hegel ait pu choisir ses mots au hasard, le poids sémantique de « nuit » traduit une angoisse à laquelle seule la poésie fournit une réponse :
Oui, le maintenant est la nuit […] et l’ici est la nuit encore. L’approche de l’unité est barrée de monstres, nos fantasmes. Mais il faut avancer dans cette ténèbre. Et si maintenant c’est la nuit, rien ne dit que demain, et grâce à quelques poèmes, un peu de jour ne paraisse.[28]
« Parole », poésie et « présence » : le triptyque bonnefoysien
Le projet de Bonnefoy est ambitieux. Dans une approche qui peut paraître paradoxale, il propose une forme de deixis pour résoudre le problème hégélien de l’incapacité du langage à rendre compte des objets déictiques. En effet, Bonnefoy accepte la méfiance hégélienne du langage mais indique une voie qui permet de l’outrepasser :
Si j’avais à résumer ce qui me semble la relation qu’on peut vouloir établir, poétiquement, avec ces pages [de Hegel] que l’on refuse, je dirais que, oui, c’est vrai, la parole vide l’ici et le maintenant de tout contenu concret, de toute épaisseur d’existence, pour autant qu’elle essaie de les décrire. Mais il lui reste possible de le désigner, cet ici-maintenant, si, précisément, elle rompt avec le dessein de le décrire.[29]
Ce « désigner » est d’une importance indéniable. Bonnefoy y attire l’attention avec les italiques. Par une distillation brillante, il matérialise la fonction déictique de « désigner » en exploitant l’étymologie du mot : « marquer par un signe pour attirer l’attention ». « Désigner » signifie donc indiquer, montrer, ce qui est, bien entendu, la fonction même de la deixis. Pour contrer Hegel donc, Bonnefoy propose par la sémantique du mot « désigner » et par l’indicateur symbolique des italiques, rien de moins qu’une réhabilitation du langage. L’argument peut paraître surprenant en raison de son apparente circularité : l’incapacité du langage à indiquer les objets de deixis peut être abrogée par la deixis elle-même. Cependant, cette position confirme la double fonction du langage, à la fois descriptif et indicatif. Ce « désigner » bonnefoysien indique ainsi presque matériellement la parole comme le seul élément linguistique capable de défaire le système auquel il appartient, permettant alors l’expression de la présence par la parole poétique.
La mise en pratique de ce « désigner » est clairement visible dans deux poèmes de Douve, « Hic est locus patriae » et « Aux arbres ». Dans son analyse sur la spatialisation dans l’œuvre de Bonnefoy, Alex Argyros démontre que loin d’être le lieu extralinguistique de la présence réelle, le « vrai lieu » bonnefoysien, vers lequel tend la poésie n’est autre que la poésie elle-même. Pour lui, le poème « Hic est locus patriae » thématise cette boucle dans laquelle le langage poétique est piégé. Dans un des vers du poème on peut lire : « Ainsi le jour baissait sur le lieudit Aux Arbres ». Pour Argyros, « In Douve, therefore, a later poem refers to an earlier poem as a place. ‘Aux Arbres’ is not simply a set of signs expending themselves in the service of the pre- or post-semiotic, it is also, and perhaps foremost, a destination »[30]. En effet, sous l’analyse, cette typographie singulière révèle que ce « lieudit » n’est autre que le poème « Aux arbres » qui se trouve vers le début du recueil. Ainsi, l’explication théorique proposée par Bonnefoy dans son essai se retrouve dans la poésie aussi : les italiques désignent explicitement, matérialisant le fait qu’ils peuvent renvoyer à un lieu textuel qui a nécessairement une existence réelle, puisque cela est immédiatement vérifiable par le lecteur. Bonnefoy réussit dans Douve à matérialiser la dimension située de la poésie via une sorte de prestidigitation linguistique qui estompe les frontières référentielles du langage. Ce glissement entre lieu et langage atteint son apothéose dans le choix lexical : en effet le « lieudit » auquel Bonnefoy fait appel conjugue en un seul mot la notion de lieu et celui du langage. La théorie intellectuelle qui s’appuie sur un outillage linguistique trouve donc sa forme dans la poésie.
Conclusion : un « vrai lieu » temporel ?
In fine, la métaphore du « lieu » permet à Bonnefoy de rendre intellectuellement compte de la capacité du langage poétique à toucher de plus près à la réalité du monde matériel. Par la localisation de la deixis, il veut donner à ce lieu poétique une plus grande capacité à intégrer la « présence ». Pour terminer sur la deixis, on peut s’interroger sur la prédominance de la notion de « lieu » alors que la deixis à affaire également au temps. Bonnefoy évoque d’ailleurs souvent le bloc « ici et maintenant » comme un ensemble. Il nous semble que le choix de Bonnefoy se porte de manière préférentielle sur la spatialisation car celle-ci permet plus facilement de situer l’être dans une dimension perçue comme plus stable et moins subjective. Depuis le début du XXe siècle, le temps a progressivement été associé à la fluidité. Les travaux de philosophes comme Bergson, par exemple, soulignent la dimension élastique du temps, qui varie selon la situation dans laquelle se trouve l’individu. Bonnefoy évoque cette optique lorsqu’il qualifie ainsi le temps du « vrai lieu » : « Le vrai lieu est un fragment de durée consumé par l’éternel, au vrai lieu le temps se défait en nous »[31]. La spatialisation cherche à contrer cette instabilité car alors que le temps peut être vu comme élément subi par l’individu, le lieu est quelque chose qu’il occupe, sur lequel il peut avoir une action. L’« acte de parole » nous dit Bonnefoy, est le fait de l’individu. Le choix de spatialisation est conforme à son désir d’accorder aux êtres la capacité de trouver leur place dans le monde par le biais du langage poétique.
Layla Roesler
École Normale Supérieure de Lyon
Bibliographie
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—, Entretiens sur la poésie, Paris, Mercure de France, 1990.
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COLLOT Michel, MATHIEU J-C., (éds.) Espace et poésie (actes de colloque), Paris, Presses de l’École normale supérieure, 1987.
GELAS Bruno, « Figures et fonctions de la voix », Yves Bonnefoy : Poésie, art et pensée, Yves-Alain Favre (éd.), Pau, Cahiers de l’Université de Pau, 1986.
GARNIER Xavier, « Introduction » in Qu’est-ce qu’un espace littéraire ?, Saint-Denis, PUV, (coll. « Imaginaire du Texte »), 2006.
LAKOFF George, JOHNSON Mark, Les Métaphores dans la vie quotidienne, (trad. Michel Defornel), Paris, Éditions de Minuit, 1985.
REDDY Michael J., ‘The Conduit Metaphor-A Case of Frame Conflict in our Language about Language’, in A. Ortony, Metaphor and Thought, Cambridge, Cambridge University Press, 1992, p. 284-310.
RENARD Marie-France, « Les structures spatiales dans Du mouvement et de l’immobilité de Douve », Yves Bonnefoy : Poésie, Art et Pensée, Yves-Alain Favre (éd.), Pau, Cahiers de l’Université de Pau, 1986, p. 118-132.
SAUSSURE Ferdinand de, Cours de linguistique générale, Paris, Payot-Rivages, 2016.
POUR CITER CET ARTICLE
Layla Roesler, « “Le vrai lieu” et l’impératif spatial dans l’ontologie d’Yves Bonnefoy », Nouvelle Fribourg, n. 4, juin 2019, URL : https://www.nouvelle-fribourg.com/archives/le-vrai-lieu-et-limperatif-spatial-dans-lontologie-dyves-bonnefoy/
NOTES
1 Xavier Garnier, « Introduction » in Qu’est-ce qu’un espace littéraire ?, Saint-Denis, PUV, (coll. « Imaginaire du Texte »), 2006, p 10.
2 Maurice Blanchot, L’Espace littéraire, Paris, Gallimard, 1955, p. 17.
3 Cité par Odile Bombarde et Patrick Labarthe dans Yves Bonnefoy. Correspondance, Paris, Les Belles Lettres, 2018, p. 908.
4 Alex Argyros, « The Topography of Presence: Bonnefoy and the Spatialization of Poetry », Orbis Litterarum, vol. 41, 1986, p. 253 : « Le trope de lieu est celui qui domine de loin le poème. De ‘Théâtre’ jusqu’au divers ‘vrai lieux’, ‘l’Orangerie’, ‘la Chapelle Brancacci’, jusqu’à ‘His [sic] est locus patriae’, les poèmes qui constituent Douve se préoccupent incessamment de la notion d’un espace délimité » (nous traduisons).
5 Marie-France Renard, « Les structures spatiales dans Du mouvement et de l’immobilité de Douve », Yves Bonnefoy : Poésie, Art et Pensée, Yves-Alain Favre (éd.), Pau, Cahiers de l’Université de Pau, 1986, p. 119.
6 Il faut aussi noter l’intérêt que Bonnefoy accordait à la théorisation de la relation poésie/espace. Il participa en 1984 au colloque « Espace et poésie ». S’il ne livra pas le contenu de son intervention pour être publié aux actes du colloque, il proposa un poème, qui clôt ces actes : Espace et poésie, Collot, M. et J-C. Mathieu (éds.), Paris, Presses de l’École normale supérieure, 1987.
7 Yves Bonnefoy, L’Improbable et autres essais, Paris, Gallimard, (coll. « Idées »), 1980, p. 21.
8 ibid., p. 22.
9 ibid.
10 ibid., p. 131.
11 Friedrich Nietzche, « Vérité et mensonge au sens extramoral », trad. De Launay, M, et M. Haar, Folio, 2009.
12 Michael J. Reddy, «The Conduit Metaphor-A Case of Frame Conflict in our Language about Language », in A. Ortony, Metaphor and Thought, Cambridge, Cambridge University Press, 1992, p. 287.
13 George Lakoff, Mark Johnson, Les Métaphores dans la vie quotidienne, (trad. Michel Defornel), Paris, Éditions de Minuit, 1985, p. 16.
14 Micheal J. Reddy, op. cit., p. 286.
15 George Lakoff, Mark Johnson, op. cit., p. 28.
16 ibid.
17 ibid, p. 23.
18 Yves Bonnefoy, Rome 1630, Paris, Flammarion, 1970, p. 38.
19 George Lakoff, Mark Johnson, op. cit., p. 173.
20 « La fonction que [Saussure et ceux qui l’ont suivi] reconnaissent au mot est toujours de simplement signifier, et leur richesse même devient dès lors un danger pour la réflexion sur la poésie » (Yves Bonnefoy, Improbable, op. cit. p. 247).
21 Bruno Gelas, « Figures et fonctions de la voix », in Yves Bonnefoy : Poésie, art et pensée, Yves-Alain Favre (éd.), Pau, Cahiers de l’Université de Pau, 1986, p. 388.
22 Ferdinand de Saussure, Cours de linguistique générale, Paris, Payot-Rivages, 2016, p. 87.
23 ibid., p. 132. Nous soulignons.
24 Yves Bonnefoy, in Yves Bonnefoy : Poésie, art et pensée, op.cit., p. 134.
25 Yves Bonnefoy, Le Nuage rouge, Paris, Mercure de France, 1977, p. 280.
26 Yves Bonnefoy, Entretiens sur la poésie, Paris, Mercure de France, 1990, p. 264.
27 Yves Bonnefoy, L’Improbable, op. cit., p. 22.
28 Yves Bonnefoy, Vérité de parole, Paris, Mercure de France, 1988, p. 63.
29 Yves Bonnefoy, Yves Bonnefoy : Poésie, art et pensée, op. cit., p. 45.
30 Alex Argyros, op. cit. p. 257 : « Dans Douve, donc, un poème ultérieur renvoie à un poème antérieur décrit comme lieu. ‘Aux arbres’ n’est pas simplement un ensemble de signes qui se consomment au service d’une notion pré ou post-sémiotique, c’est aussi et peut-être avant tout une destination » (nous traduisons).
31 Yves Bonnefoy, L’Improbable, op. cit., p. 130.