ISSN 2421-5813

Résumé  L’étude des interventions typographiques en poésie en est encore à ses débuts. Les travaux sur les premières éditions du Coup de dés de Mallarmé ont révélé pourtant que l’espace typographique joue un rôle décisif dans la poétique du texte. Il ne fait pas de doute que la disposition typographique répond d’une dispositio et que cette organisation est productrice de sens en collaborant avec le texte ou en s’opposant à celui-ci. C’est la dimension figurative de ce poème que nous nous proposons d’étudier dans cet article : comment, par la typographie, le poème de Mallarmé a résolu le paradoxe de figurer un espace infini dans l’espace fini de la page. Comment se délimite l’espace lorsqu’un poème, par l’envahissement des marges, par la dynamique de son organisation, s’approprie de nouveaux territoires typographiques ? En redéfinit-il les codes ?

Abstract  The study of typographical interventions in poetry is in its early stages. However, research on Mallarmé’s first editions of the Coup de dés has shown that typographical space takes a crucial place in the text’s poetics. That the occupation of space obeys a dispositio and that this organization is meaningful – by supporting or contradicting the text – is certain. In this article, I aim to study how Mallarmé has achieved the paradox of fitting an unbounded infinite space into a limited one, that of the page, through the appropriate use of typography. I will show how Mallarmé returns to a conscious use of typographical space by overpassing its traditional limits (the margins) and by adding a layer of meaning through the overall organization of the poem. Do these innovations lead to a new definition of typographical space?

Mots-clés  Typographie – espace – figure – éditorialité – poétique

Keywords  Typography – space – figure – practices of editing – poetics

Dans une lettre à Villiers de L’Isle-Adam en septembre 1867, soit une trentaine d’années avant la parution du Coup de dés, Mallarmé écrit : « J’avais compris la corrélation intime de la Poésie avec l’Univers, et, pour qu’elle soit pure, conçu le dessein de la sortir du Rêve et du Hasard et de la juxtaposer à la conception de l’Univers. »[1] En 1897, Mallarmé réalise ce dessein par le dessin. Un dessin formé de lettres et de blancs – un poème typographique. La typographie est un code d’organisation prosodique et visuelle dont la littérature scientifique ne prend pas encore toute la mesure de sa dimension poétique. En effet, si la typographie cherche le plus souvent à se faire discrète, elle revêt parfois un rôle plus important, voire essentiel, par l’acte de figuration. Le texte se fait alors image et la page devient espace typographique[2]. L’espace typographique est limité, borné. Que les limites soient physiques et manifestes – le bord du papier, de l’écran – ou abstraites – les marges, les lignes graphiques –, cet espace est un lieu clos, cadré comme l’est le tableau ou le paysage. Lorsque les poèmes manifestent une image, il ne fait pas de doute que la disposition typographique correspond à une dispositio et que cette organisation est productrice de sens en collaborant avec le texte ou en s’opposant à celui-ci. C’est donc la dimension figurative que nous nous proposons d’étudier dans cet article ainsi que les outils typographiques mis en place dans Un Coup de dés de Mallarmé ; et plus spécifiquement lorsque la figuration qui se joue propose un espace qui va au-delà de lui-même, un espace qui se dépasse. Ou comment, par la typographie, le poète a tenté de résoudre ce paradoxe : figurer un espace infini dans l’espace fini de la page[3].

Tout d’abord un aveu : le manque d’espace à disposition dans cet article m’oblige à concentrer mon propos sur le Coup de dés bien que plusieurs autres poèmes de Mallarmé se jouent de la disposition. Si le Coup de dés en est l’exemple le plus iconique, on trouve déjà dans ses poèmes de jeunesse[4] – par exemples Le Ciel, Chanson du Fol ou encore Tout passe !… – un dispositif, préparé par le poète, qui anticipe[5] une édition typographique particulière faite de retraits et d’organisation strophique. On trouve également d’autres jeux visuels dans les Quatrains-adresses de ses Loisirs de la Poste[6].

Va, poste, tout crinière et bave
Lui jetant un joyeux hi-han
Chez mon ami très cher Octave
Mirbeau
             Kérisper
                           Morbihan[7]

Ou encore dans le poème en prose Le Démon de l’analogie[8] où le détachement des mots vient figurer le ton descendant de la voix. Ces exemples (non exhaustifs) viennent confirmer l’idée que Mallarmé porte un souci si ce n’est permanent au moins assidu à l’effet visuel ; et n’oublie pas la matérialité, l’organicité des supports qui accueillent l’écriture : « Ton acte toujours s’applique à du papier »[9]. Mais il convient également de constater que ces exemples ne procèdent pas de la même initiative. Là où, dans le Coup de dés, la « disposition typographique […] était l’essentiel de sa tentative »[10] comme l’affirme Valéry, ces autres poèmes typographiques n’emploient la typographie qu’au service d’un effet de voix, de ton, ou de rythme[11]. Dans cet article, le propos se focalisera singulièrement sur les dimensions figuratives-visuelles de la typographie mallarméenne – dimensions qui ne se manifestent suffisamment que dans ce poème et pour lesquelles l’analyse n’est pas épuisée.

Grâce aux travaux de Danielle Mihram, puis de David Mus, de Robert Cohn et de Thierry Roger sur les premières éditions du Coup de dés, nous savons aujourd’hui que la disposition typographique a été profondément modifiée entre la première version publiée dans Cosmopolis en 1897, celle avec Vollard, voulue par le poète (dont la publication n’a pas pu être réalisée à temps) et celle de la NRF publiée par Gallimard en 1914 qui fait office de référence courante. Le constat de Blanchard est pourtant cinglant : « L’édition de la NRF, en 1914, d’Un coup de dés jamais n’abolira le hasard, est une mystification, une approximation maintes fois dupliquée et répétant les mêmes fautes d’un caractère “Garamond” choisi contrairement à l’avis du poète qui après maintes recherches avait trouvé chez Didot ce qui lui convenait pour la grande édition préparée par Lahure »[12]. Nous pouvons difficilement lui donner tort : s’il est vrai que l’influence de la disposition et de la police d’écriture sera modeste dans des textes continus, celles-ci deviennent des enjeux majeurs dans la poésie visuelle. On ne saurait déplacer ou découper les figures que forment les calligrammes d’Apollinaire ; il est en de même pour les décalages typographiques de Reverdy et, donc, de la disposition du Coup de dés. Une police de caractères scrupuleusement choisie par le poète (la Firmin-Didot pour l’édition Vollard dans notre cas) n’est pas porteuse des mêmes caractéristiques qu’une autre police (l’Elzevir pour l’édition de la NRF) et, comme le rappelle Mihram, l’épaisseur du caractère et sa taille modifient « le rythme et l’intensité du message poétique »[13]. Mallarmé est attentif très tôt à ces minuties typographiques, quel que soit le poème : « Je voudrais un caractère assez serré, qui s’adaptât à la condensation du vers, mais de l’air entre les vers, de l’espace, afin qu’il se détachent bien les uns des autres, ce qui est nécessaire encore avec leur condensation. » écrit-il à Catulle Mendès en 1866 à propos de poèmes à paraître dans le Parnasse contemporain[14]. De même, le format remanie l’esthétique car, plus petit, plus étroit, il comprime le texte, comme le repérait déjà Fraenkel[15].

Ce sont là des aspects techniques, concrets, que les graphistes connaissent bien et dont les éditeurs et imprimeurs sont la plupart du temps très conscients, mais qui restent secondaires pour la littérature scientifique[16]. Car si la police d’écriture peut sembler relativement ornementale, la disposition de la typographie, lorsqu’elle diffère de la norme linéaire, modifie si profondément la figure et la dynamique d’un texte que son caractère même de texte est remis en cause. Il en va de même du geste d’écriture[17]. La matérialité ainsi projetée à la face du lecteur l’oblige à considérer d’une nouvelle manière sa pratique de la lecture[18]. Cette lecture figurative de la poésie, que nous nous proposons de faire ici, serait seule bien insuffisante, mais elle doit ajouter aux nombreux commentaires existants des considérations nouvelles, que nous espérons décisives.

Éditorialité

« Il a essayé, pensai-je, d’élever enfin une page à la puissance d’un ciel étoilé ! »[19] décrivait Valéry en considérant le Coup de dés. Pour le poète de Sète, il n’y a pas de doute, le texte figure l’écran céleste qui se déploie au-dessus de nos têtes[20]. Les lectures de ce texte ont pris des chemins bien différents. Pour Meillassoux, la disposition répond davantage à l’organisation d’un code à déchiffrer[21]. Pour Murat, la disposition du Coup de dés figure autant le mouvement dérivatif d’un bateau – le naufrage d’un bâtiment –, c’est-à-dire une figuration visuelle, qu’une figuration prosodique, d’un emploi similaire à une partition[22]. Localement, il voit également dans certains segments de mots, le dessin d’une plume, d’une toque shakespearienne[23]… Mais si Murat a bien étayé sa proposition, la considération valéryenne du Coup de dés comme figuration de l’espace n’est pas encore achevée.

Avant de sonder l’espace que le poème fait intervenir, il convient de définir d’abord l’espace dans lequel le poème intervient. En laissant de côté les enjeux socio-économiques ou historiques[24] nous questionnons ici l’organisation de l’espace typographique : le format, les marges, la disposition, et comment leur utilisation permet la figuration. Comme évoqué plus haut, ces facteurs, varient significativement selon l’édition du Coup de dés, et font donc varier la figuration. Le geste éditorial remanie nécessairement le geste créateur[25]. L’histoire éditoriale du Coup de dés est désormais connue en détail grâce aux travaux de Thierry Roger[26]. En revanche, les interventions typographiques d’un éditeur comme Pierre Albert-Birot dans la revue SIC n’ont pas encore fait l’objet d’une étude approfondie. Les gabarits de cette recherche sont à peine déposés sur les Calligrammes. Pour Lettre-Océan par exemple, si l’article de Goldenstein[27] s’attache à démontrer précisément les variations textuelles que le poème a subies entre le premier geste créatif, l’édition dans les Soirées de Paris et l’édition chez Gallimard, il sacrifie volontairement les modifications typographiques de son analyse. Or dans un texte comme Lettre-Océan, l’organisation dynamique est tout et naît de la typographie.

Figure du blanc

Dans le Coup de dés, le blanc est le motif principal du texte. Mallarmé lui accorde autant d’importance qu’aux mots. Il l’explique, on le sait, dans la préface de Cosmopolis[28] mais aussi dans ses lettres à Vollard lorsqu’il lui demandait que Redon dessine le fond de ses illustrations afin de ne pas faire double emploi avec son blanc typographique[29]. Dans Cosmopolis, l’éclatement des mots et des segments textuels ne convenait pas à Mallarmé qui trouvait l’espace trop étriqué. La littérature n’insiste pas assez sur ce point : c’est là la seule motivation de Mallarmé à reprendre entièrement la mise en page d’un texte déjà publié[30]. La frustration est telle que le poète décidera désormais jusqu’aux moindres détails de l’édition : la couleur du papier, la fonte des caractères[31], la disposition. « Mallarmé s’inquiétait des suprêmes détails de la fabrication du Coup de dés. L’inventeur considérait et retouchait du crayon cette machine toute nouvelle que l’imprimerie Lahure avait accepté de construire. »[32] Loin d’être anodine, comme le présente Delbreil, cette entreprise d’extension participe de l’idée d’une célébration de la modernité, de la victoire humaine sur le temps et l’espace[33]. Si l’homme ne peut s’élever à la puissance d’un dieu, il peut au moins élever sa page à la puissance d’un ciel étoilé. C’est le blanc du papier qui figure le ciel, investi d’un rôle neuf : ce blanc habituellement contenant devient contenu, élevé à la puissance des mots. Mais il s’agit bien d’un ciel inversé où apparaissent des objets célestes d’une encre noire comme la nuit : des lettres imprimées. On lit : « SOIT que l’Abîme blanchi étale furieux ». Ce blanc est ici à la fois le blanc de la page et le blanc en négatif du ciel nocturne. Son association avec l’Abîme donne la mesure de l’espace de ce ciel et de la page. La page, « cette blancheur rigide dérisoire en opposition au ciel » est comme un abîme, idée alimentée par le lexique de l’abysse. On y lit la profondeur (« l’ombre enfuie dans la profondeur », « sa béante profondeur », « s’ensevelir aux écumes originelles naguères d’où sursauta son délire jusqu’à une cime flétrie par la neutralité identique du gouffre »), et l’expansion (« une borne à l’infini », « excepté à l’altitude peut-être aussi loin qu’un endroit fusionne avec l’au-delà »).

La figuration de l’espace (au sens cosmique du terme) naît en premier lieu de la disposition en constellation[34]. Les segments textuels ont l’ambivalence de leur isolement et de leur liaison, ils forment un réseau, une constellation. Valéry a l’occasion de voir les épreuves lors d’une visite à Valvins et estime que la disposition typographique était « l’essentiel de sa tentative »[35] pour ce qui devait être sa « grande édition »[36]. Mallarmé et son imprimeur fonctionnent en aller-retour. Mallarmé envoie une première version (au titre erroné de Jamais un coup de dés n’abolira le hasard : poème) à Lahure qui l’imprime et la renvoie à Mallarmé pour une correction[37]. Valéry rapporte que Mallarmé étalait les épreuves sur le bord de la fenêtre[38], face au ciel, comme un miroir de celui-ci. Dans le lexique typographique, on parle de miroir de page pour parler des deux blocs textes qui se font face de chaque côté du pli dans un livre-codex. Le Coup de dés transgresse ce pli afin de produire un seul écran rectangulaire, orienté en paysage. À l’instar de Stendhal (« le roman : c’est un miroir que l’on promène le long d’un chemin »), le poème se concrétise avec les propriétés d’un miroir, objet de mimèsis, reflet parfait mais inversé ayant pour seule limite l’objet à refléter : l’univers, l’espace infini.

Figuration de l’infini

Mallarmé annote à la main directement sur les épreuves. Il s’intéresse et connaît parfaitement, très tôt[39], les outils et règles de l’édition et de l’imprimerie[40]. Il trace à la règle, au millimètre près, l’espacement, autrement dit la distance relative entre les segments. Les modifications textuelles sont très peu nombreuses. En revanche, il ajoute beaucoup d’espace entre les segments de mots : la version pour Cosmopolis et celle qu’il envisage avec Vollard œuvrent ni plus ni moins à une extension de l’univers du poème. Tenter de figurer l’espace est une ambition de l’ordre de la démesure, une entreprise prométhéenne, comme le rappelle Michel Collot : « cette conquête de l’espace typographique me semble souvent inséparable d’une ouverture à l’espace planétaire voire interplanétaire. Elle est évidente dans les “mots en liberté” futuristes et dans certains calligrammes d’Apollinaire ; mais elle était présente déjà chez Mallarmé lui-même »[41]. Il est judicieux de rappeler qu’au moins deux opérations sont essentielles à la représentation de l’univers dans un poème : la réduction et l’aplatissement. Plus exactement, la réduction de l’univers se double d’un dépassement de l’homme dans un « effort d’humanisation du cosmos »[42]. Cet escamotage de grandeur, de l’infini en une feuille grande comme la main de l’homme, ne s’effectue pas sans simplification. Il s’agit de passer par des représentations, des symboles, des schémas, des figurae. La figuration, c’est aussi l’exclusion de toutes les caractéristiques inutiles ou contre-indicatives. Représenter un ciel étoilé obligera à sélectionner, à trier, à ne convoquer que certaines étoiles selon des critères arbitraires ou pragmatiques (selon la capacité ou les besoins de l’observateur) : sa brillance, sa proximité, son inscription dans un réseau. Une lecture figurative du Coup de dés, en appliquant ce principe, verra dans les variations de tailles des polices de caractères une représentation possible de ces différents degrés de brillance ou de proximité – c’est une épiphanie de la perspective. Et pourtant, impossible de mesurer exactement l’éloignement figuré des segments : « La constellation, elle, produit une image entre des étoiles éloignées par des années-lumière. »[43] Discrètement, la lecture figurative révèle une certaine profondeur inattendue, abyssale, un fond sans fond dans ce Coup de dés spatial : un au-delà de la feuille[44]. La figuration de l’infini demande de facto une licence poétique, elle est inévitablement synecdoque, car la représentation ne peut être autrement que suggestive. « Les distances démesurées des astres font que le ciel, à parler rigoureusement, est toujours à l’état d’illusion. »[45] La notion d’infini est une idée qui n’a pas d’accroche concrète dans le réel, que l’Univers soit « infini » est par ailleurs encore une théorie qui n’a pas de preuve. Ainsi, l’impossibilité de représenter l’infiniment grand nécessite de passer par la figure, par la suggestion d’un au-delà de ce qui est là. Comme le paysage est une portion d’un espace plus grand[46] ; ou comme la photographie d’un ciel ne sera que le cadrage d’un morceau infime de l’entier mais convoquant l’existence, la présence immédiate bien qu’invisible d’un ciel plus grand. C’est un chaos organisé : « the configuration of the layout reveals Mallarmé’s impotence before “le vide papier”, his struggle to demonstrate the relationship between the finite or concrete and the abstract of infinite »[47].

Espace typographique

Mallarmé transgresse les limites habituelles de l’espace typographique en investissant les marges, en franchissant le no man’s land du pli central. La composition oblige le lecteur à reproduire cette transgression : ses yeux sautent d’un espace à l’autre pour relier syntaxiquement les segments se trouvant de part et d’autre. Cette nouvelle dimension en double page renverse le sens de la lecture pour la rendre plus horizontale, étirant de ce fait la durée de l’acte de lire. Alors que dans la presse quotidienne, la colonne accélère la lecture, et mime la vitesse d’une actualité éphémère, le Coup de dés est l’entreprise absolument inverse : sa lecture en est ralentie. Ralentie par la typographie, nous venons de le voir, mais aussi par la complexité grammaticale d’une langue fragmentaire qui nécessite un certain temps de considération. La perte de repères syntaxiques et spatiaux, sur un plan typographique ou sur un plan textuel (« de contrées nulles », « dans ces parages du vague en quoi toute réalité se dissout »), figure le « vertige » de l’immensité. Le Coup de dés est comme une projection stable de ce ciel étoilé, immobilisé, rendu à l’éternel et l’observateur est paralysé, bouleversé par l’expérience de ce poème : « quand bien même lancé dans des circonstances éternelles ». Le temps étiré à l’infini est suspendu ; ne reste que l’espace – « Rien n’aura eu lieu que le lieu », l’espace typographique comme circonstances éternelles du poème.

Le Coup de dés a tout du poème événement[48]. L’expérience de lecture est étroitement liée au lieu de lecture mais aussi au lieu de la poésie : le format agit directement sur cette expérience. Les épreuves conservées à Harvard mesurent 57 x 42 cm (pour la double page), celles disponibles sur Gallica 39 x 30 cm, tandis que la reproduction dans le format poche de Gallimard fait 18 x 10.5 cm. Dans le format poche, la police n’est pas à l’échelle : elle n’est pas réduite proportionnellement afin de permettre une certaine lisibilité[49]. Conséquemment, l’espacement entre les segments et les marges voulu par Mallarmé, qui constituent des éléments essentiels de la figuration, est anéanti[50]. La figuration de l’immensité cosmique paraît nettement moins réussie dans le format poche, sur papier fin blanc (légèrement transparent) et « noyée » au milieu d’autres textes de Mallarmé. Dans les grands formats au contraire, le paratexte a été supprimé afin de ne pas parasiter l’image produite par le texte. On remarque l’importance de leur absence en la confrontant à l’édition poche. Dans celle-ci[51], la numérotation envahit et participe involontairement à l’image et donc à la figuration. Malicieusement, le chiffre disparaît de deux pages : à la page 421, « UN COUP DE DÉS » et à la page 429 où le « N’ABOLIRA » qui apparaît seul en bas de page n’est pas suivi du chiffre. Ce sont là des choix éditoriaux qui répondent à un intérêt esthétique mais pas à une cohérence du texte. L’effacement volontaire des numéros de pages sur deux d’entre elles valide, a minima, l’effet d’espace typographique propre à la figuration voulu par Mallarmé. À l’inverse, et cela coûte terriblement, à la page 437, après les mots « neutralité identique du gouffre » il n’y a pas de gouffre mais un chiffre[52]. Enfin, il convient de ne pas oublier que le poème exhibe une construction circulaire[53] – la fin reprend le début – qui fait recommencer sans cesse le poème, l’intrusion de l’infini est redoublée ici par l’effet de boucle[54].

Conclusion

La complexité des poèmes de Mallarmé est toujours une invitation à un dépassement. Lorsque la complexité se concentre dans la typographie, l’effort de dépassement est spatial. Pour Marthe Gonneville, « l’intime commerce entre espace et poésie »[55] est la définition même de la typographie. Il semble que Mallarmé ait été hanté depuis toujours par l’idée de l’Infini[56] et a cherché – par plusieurs chemins – à le matérialiser dans le poème. Dans le Coup de dés, l’espace sans limite est affirmé : « The final line of Un Coup de dés is a lexical, syntactical, and semantic affirmation of infinite, abstract, pure, creative, authentic space. »[57] Il y a lieu de se demander si l’investissement typo-topographique[58] n’est pas une allégorie de l’acte poétique lui-même. En effet, le geste poétique, ce coup, est chez Mallarmé celui de la victoire sur la mort[59], dépassement ultime, l’acte libératoire absolu : « The text correlates the sky and the sea, the chaotic and the cosmic, as matter rejoins matter (dice-constellation), in the limitlessness of possibilities: Poem. »[60]. La lecture figurative du Coup de dés révèle ainsi, et avec force, que cette tentative de outrepassement temporel passe ultimement, pour Mallarmé, par un premier débordement – spatial –, une transgression des limites de l’espace, une démesure typographique : une hybris. Les augures de Valéry étaient justes : « Il a essayé, pensai-je, d’élever enfin une page à la puissance d’un ciel étoilé ! »

Matthieu Corpataux

Université de Fribourg

 

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VOGEL Christina, « Mallarmé/Valéry : face au hasard » dans Serge Bourjea (dir.), Mallarmé/Valéry Poétiques, actes du colloque international à Montpellier, Montpellier, Bulletin des Études Valéryennes, 81/82, 1999.

 

POUR CITER CET ARTICLE

Matthieu Corpataux, « La figuration de l’infini dans l’espace typographique du Coup de dés de Mallarmé », Nouvelle Fribourg, n. 4, juin 2019, URL : https://www.nouvelle-fribourg.com/archives/la-figuration-de-linfini-dans-lespace-typographique-du-coup-de-des-de-mallarme/

 

 

NOTES

1 Lettre à Villiers, 24 septembre 1867, Correspondances, t. I, p. 259, cité par Paul Bénichou, Selon Mallarmé, Paris, Gallimard, (Coll. « Folio essais »), 1995, p. 60.

2 Au sens d’« élément de composition poétique » comme le définit très justement Isabelle Chol. Voir Isabelle Chol, « Espace d’observation, espace d’écriture : Questions de théorie et de méthode », Arborescences, 3, 2013, p. 4.

3 Pour des approfondissements sur les rapports entre espace, écriture et page, voir Valérie Lelièvre, « La page : entre texte et livre » dans Alain Milon & Marc Perelman (dir.), Le livre et ses espaces, Nouvelle édition [en ligne], Nanterre, Presses universitaires de Paris Nanterre, 2007.

4 Stéphane Mallarmé, Œuvres complètes I, Paris, Gallimard, (Coll. « Bibliothèque de la Pléiade »), édition de Bertrand Marchal, 1995, p. 167-238.

5 J’emploie ce verbe car ses poèmes sont manuscrits et non techniquement typographiés.

6 Stéphane Mallarmé, OC I, op. cit., p. 241-273. Mais là encore, ces poèmes ne sont pas, à proprement parler, typographiques. Ils existaient d’abord sous forme manuscrite comme le rappelle Yves Bonnefoy dans la préface des Vers de circonstances (in Stéphane Mallarmé, Vers de circonstance, Paris, Gallimard, « NRF Poésie », édition de Bertrand Marchal, 1996). Ils ne sont pas pensés ou conçus typographiquement même s’ils trahissent la même considération de l’espace linéaire à disposition. Ce n’est que sur l’initiative du peintre américain Whistler que vint l’idée de publier ces poèmes. L’édition est prête en septembre 1894 (en édition courante et édition de luxe) dans une maison d’édition de Londres avec le titre de Récréations postales, mais ne verra finalement pas le jour. Avant d’être récupérée par Harrison G. Rhodes, dans une revue de Chicago – The Chap Book – en décembre de la même année, sous le titre de Les Loisirs de la Poste.

7 ibid, p. 247.

8 On privilégiera, une fois n’est pas coutume, l’édition en Folio à celle des OC car la pagination de cette seconde version altère l’effet visuel du texte. Stéphane Mallarmé, Igitur Divagations Un coup de dés, Paris, Gallimard, NRF Poésie, édition de Bertrand Marchal, 2003, p. 86.

9 Stéphane Mallarmé, Œuvres complètes II, Paris, Gallimard, Collection Bibliothèque de la Pléiade, édition de Bertrand Marchal, 2003.

10 Paul Valéry, Variété I et II, Paris, Gallimard, (Coll. « Folio essais »), 1924 pour Variété I et 1930 pour Variété II, p. 266.

11 Bien qu’il s’agirait d’un tout autre travail, il serait intéressant d’étudier l’évolution de la considération typographique dans l’œuvre de Mallarmé – avec comme hypothèse le glissement d’un paradigme musical/oral vers un paradigme visuel/graphique.

12 Gérard Blanchard, « Pour "un coup de dés" télématique », Langue française, 59, 1983, p. 121-128, p. 125.

13 Danielle Mihram, « Abortive Didot-Vollard edition of Un coup de dés », French Studies, 23, janvier 1979, p. 39-56, p. 45.

14 Lettre à Catulle Mendès, 24 avril 1866 in Stéphane Mallarmé, Correspondance. Lettre sur la poésie, Paris, Gallimard, (Coll. « Folio classique »), édition de Bertrand Marchal, 1995.

15 Ernest Fraenkel, Les Dessins trans-conscients de Stéphane Mallarmé : à propos de la typographie de Un coup de dés, Paris, Nizet, 1960, p. 18-19.

16 Johanna Drucker, The Visible Word – Experimental Typography & Modern Art, 1909–1923, Chicago, University of Chicago Press, 1997.

17 Sonia Assa, « "Rien n’aura eu lieu que le lieu" : une lecture du Coup de dés », Littérature, 56, 1984, p. 119-128.

18 Anis en proposait une, ce n’est pas la seule. Jacques Anis, « Vilisibilité du texte poétique », Langue française, 59, 1983, p. 88-102.

19 Paul Valéry, Variété I et II, Paris, Gallimard, Folio essais, 1924 pour Variété I et 1930 pour Variété II, p. 268.

20 La voûte céleste devient un écran où se projettent rêves et symboles.

21 Quentin Meillassoux, Le Nombre et la sirène Un déchiffrage du Coup de dés de Mallarmé, Paris, Fayard, (Coll. « Ouvertures »), 2011.

22 Michel Murat, Le "Coup de Dés" de Mallarmé Un recommencement de la poésie, Paris, Belin, « Coll. « L'extrême contemporain »), 2005.

23 Id. Il faut comprendre ces considérations figuratives comme complémentaires et non comme concurrentes.

24 Nous renvoyons aux ouvrages suivants qui ont largement étudié ces aspects. Entre autres : Robert G. Cohn, Mallarmé’s Masterwork. New Findings, La Haye/Paris, Mouton, 1966. Bertrand Marchal, Stéphane Mallarmé Mémoire de la critique, Paris, Presses universitaires Paris-Sorbonne, 1998. Michel Murat, Le "Coup de Dés" de Mallarmé Un recommencement de la poésie, Paris, Belin, (Coll. « L'extrême contemporain »), 2005. Thierry Roger, L'Archive du Coup de dés Étude critique de la réception d’Un coup de dés jamais n’abolira le hasard de Stéphane Mallarmé (1897-2007), Paris, Garnier, (Coll. « Études de littérature des XXe et XXIe siècles »), 2010.

25 « Un vaste chantier reste ouvert pour ce qui concerne les conséquences de la spatialisation des textes, depuis le Coup de dés de Mallarmé, sur les modes de composition et les moyens participant à la création de l’œuvre » écrivait Isabelle Chol en 2009. Un chantier investi depuis mais qui reste immense. Isabelle Chol, « La poésie spatialisée depuis Mallarmé », Poétique, 158, 2009, p. 231-247.

26 Thierry Roger, L'Archive du Coup de dés, op. cit.

27 Jean-Pierre Goldenstein, « ANOMO / ANORA : Tu connaîtras un peu mieux les Mayas « Lettre-Océan » : mise au point et hypothèses », Que Vlo-Ve ?, 11, juillet-septembre 2000, p. 77-100. Il le reconnaît d’ailleurs : « [le] choix d'un tel critère de pertinence réduit d'emblée la portée du poème et, d'une certaine façon, l'ampute grossièrement. », p. 77.

28 On sait aussi que Mallarmé ne souhaitait pas que cette préface accompagne l’édition Vollard, contrairement au choix fait par la NRF. Virginia A. La Charité, The Dynamics of Space Mallarmé’s Un coup de dés jamais n’abolira le hasard, Lexington, French Forum publishers, 1987, p. 54.

29 Danielle Mihram, « art. cit. », p. 42.

30 Ernest Fraenkel, op. cit., p. 20.

31 Pour rappel, la police de caractère (font family en anglais) est un type de dessin pour la série de glyphes. Le Garamond ou le Times New Roman sont des polices. Tandis que la fonte (font en anglais) est une utilisation spécifique : Garamond en gras et italique, taille 12, c’est une fonte.

32 Paul Valéry, op. cit., p. 273.

33 « The distorsions of the tradional space-time nexus wrought by recent advances in communication (telephones, telegraphy) and transportation in the poem. In a sense, as Daniel Delbreil remarks, the poem celebrates our modern victory over space and time. » (Willard Bohn, The aesthetics of visual poetry 1914-1928, Cambridge, Cambridge University Press, 1986, p. 17). Ce point est certainement plus evident chez Apollinaire que chez Mallarmé. Néanmoins, pour l’un comme pour l’autre, les silences éternels de ces espaces infinis ne sont plus aussi effrayants.

34 Elsa Courant, « Écrire au "folio du ciel" : le modèle de la constellation dans un coup de dés de Mallarmé », Revue d'histoire littéraire de la France, vol. 116, 2016, p. 869-892.

35 Paul Valéry, op. cit., p. 266.

36 ibid.

37 Pour la première version : Stéphane Mallarmé, Jamais un coup de dés n’abolira le hasard : poème, Paris, épreuves d’imprimerie, correction manuscrite de Mallarmé en vue d’une édition chez Vollard, 1897, conservé à la BNF, disponible sur Gallica.bnf.fr ; pour la seconde : Stéphane Mallarmé, Un coup de dés jamais n’abolira le hasard, Paris, épreuves d’imprimerie, correction manuscrite de Mallarmé en vue d’une édition chez Vollard, 1897, conservé à la BNF, disponible sur Gallica.bnf.fr.

38 Paul Valéry, op. cit., p. 266.

39 Barbara Bohac, « Mallarmé et l’esthétique du livre » dans Alain Milon & Marc Perelman (dir.), L’Esthétique du livre, Nouvelle édition [en ligne], Nanterre, Presses universitaires de Paris Nanterre, 2010.

40 Virginia A. La Charité, op. cit., p. 13 et p. 58.

41 Michel Collot, Pour une géographie littéraire, Paris, Éditions Corti, (Coll. « Les Essais »), 2014, p. 31.

42 Serge Linares, « Images de la poésie : les recueils illustrés de Pierre Reverdy », Revue d'histoire littéraire de la France, 107, 2007, p. 181-200, p. 187. Dans la même veine, Pierre Albert-Birot envisageait l’entreprise poétique comme celle de « l’Homme illimité », IMEC, Fonds Pierre Albert-Birot, dossier « SIC : manuscrits et tiré à part PAB 41.8 ».

43 Muriel Pic, « Constellation de la lettre. Le concept de lisibilité (Lesbarkeit) en France et en Allemagne », Po&sie, 137-138, 2011, p. 250-265, p. 260.

44 Le jet de dés appuie l’idée d’une expansion sans limite selon La Charité : « The thrown dice indicate the constellation which […] expands beyond itself into the unmeasurable formlessness of the cosmos. », Virginia A. La Charité, op. cit., p. 111. Pour Christina Vogel, c’est l’idée de hasard qui est représenté tout entier à travers la notion d’Infini. Voir Christina Vogel, « Mallarmé/Valéry : face au hasard » dans Serge Bourjea (dir.), Mallarmé/Valéry Poétiques, actes du colloque international à Montpellier, Montpellier, Bulletin des Études Valéryennes, 81/82, 1999, p. 210.

45 Victor Hugo, Proses philosophiques, Les Choses de l’infini, disponible sur Wikisource.org, p. 610.

46 Sur le concept de paysage, lire le petit article de Françoise Chenet, « Le paysage à la lettre », I Jornadas de Mágina Paisaje y literatura, Actes de Colloque d’Albanchez de Mágina, 2003, Encarnación Medina Arjona, 2009, p. 191-203.

47 Virginia A. La Charité, op. cit., p. 108.

48 Le poème entre dans la définition de Lyotard : « l’événement ouvre un espace et un temps de vertige » (Jean-François Lyotard, Discours Figure, Paris, Klincksieck, 1971, p. 135).

49 D’autres différences de format sont présentées par La Charité. Virginia A. La Charité, op. cit., p. 48-53.

50 Le format poche offre d’autres avantages mais pas celui de la préservation d’une figurativité de l’infini.

51 Stéphane Mallarmé, Igitur Divagations Un coup de dés, Paris, Gallimard, « NRF Poésie », édition de Bertrand Marchal, 2003.

52 Alors que La Charité démontre parfaitement l’importance du vide qui suit le terme : « has no limit, not beginning, and no final resting place », Virginia A. La Charité, op. cit., p. 77.

53 ibid., p. 128.

54 Pour un développement de cette idée, voir Ronald Shusterman, L'infini, Bordeaux, Presses universitaires de Bordeaux, Groupe Etudes Recherches Brita, 2002. L’entreprise n’est pas sans rappeler le format cyclique des récits médiévaux : Adeline Richard, « Représenter l’Infini : l’espace du livre dans les cycles en prose du XIIIe siècle à travers Tristan et Lancelot » dans Alain Milon & Marc Perelman (dir.), Le livre et ses espaces, Nouvelle édition [en ligne], Nanterre, Presses universitaires de Paris Nanterre, 2007. En rhétorique, elle correspond à la figure de l’antépiphore.

55 Marthe Gonneville, « Poésie et typographie(s) », Études françaises,183, 1982, p. 21-34, p. 21.

56 Philippe Séguin, « Novalis, Poe, Mallarmé », Alliage, 37-38, 1998.

57 Virginia A. La Charité, op. cit., p. 80.

58 Selon la formule de Longrée, Georges H. F. Longrée, L’expérience idéo-calligrammatique d’Apollinaire, Liège, J. V. Noël, 1984, p. 56.

59 Yves Bonnefoy, « L'acte et le lieu de la poésie », L'Improbable, Paris, Mercure de France, 1959.

60 Virginia A. La Charité, op. cit., p. 116.

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