ISSN 2421-5813

Résumé L’étude présente de manière synthétique la réception italienne de Francis Ponge (1899-1988); elle examine et compare de manière plus approfondie les lectures critiques de Giuseppe Ungaretti (1888-1970) et de Italo Calvino (1923-1985).

Mots-Clés Francis Ponge, Italo Calvino, Giuseppe Ungaretti, poète, magicien

Abstract This research paper outlines the Italian reception of Francis Ponge (1899-1988) ; it details and compares the critical interpretations provided by Giuseppe Ungaretti (1888-1970) and Italo Calvino (1923-1985).

Keywords Francis Ponge, Italo Calvino, Giuseppe Ungaretti, poet, magician

Francis Ponge fut peu connu des poètes italiens qui atteignirent leur voix propre dans l’après-guerre, cette génération qui passe entre les maîtres de l’hermétisme et l’avènement de la néo-avant-garde et dont Eugenio Montale eut l’occasion de dire, en 1961, que malgré tout elle n’avait pas encore cessé de « chanter »[1]. Des auteurs tels que Mario Luzi, Vittorio Sereni, Franco Fortini, Giorgio Caproni, Andrea Zanzotto, pourtant lecteurs et traducteurs avertis des poètes français modernes et contemporains – Rimbaud, Apollinaire, Eluard, Michaux, Cadou, Frénaud, Tardieu, Char, Queneau, Prévert, parmi d’autres – ne semblent pas avoir eu de contact avec le poète du Parti pris des choses. Cette exclusion peut s’expliquer par l’excentricité de ce dernier aussi bien par rapport au lyrisme d’ascendance symboliste que par rapport à l’inspiration tragique et existentielle de la poésie des années cinquante[2]. Ponge eut du reste des paroles explicitement dures contre la poésie lyrique, qui lui semblait comparable à une sécrétion physiologique, mue par un « un souci de dépense purement personnel » dépourvu d’un but apparent[3]. Plutôt qu’auteur d’un chant propre ou du chant d’un quelconque être suprême, Ponge aspirait à se faire interprète habile – « organiste agile » ou « bon chef d’orchestre » – heureux surtout de faire émerger et résonner les voix des autres, dont l’observation des innombrables manières d’être des choses lui offrait un répertoire privilégié :

savoir faire sortir –

Non à proprement parler du silence –

Mais de la sourdine, de la non-remarque,

Telle ou telle voix, pour en jouir

Et faire jouir ma clientèle.[4]

Poète-magicien

Dans l’Italie de l’après-guerre Ponge fut en revanche bien connu de Giuseppe Ungaretti, Piero Bigongiari, Diego Valeri, poètes alors déjà mûrs, qui firent sa connaissance à travers le monde intellectuel parisien lié à la « NRF », et qui furent en mesure diverse ses exégètes, traducteurs et amis[5]. Deux documents bibliographiques importants témoignent de l’échange avec Ungaretti[6] : en 1962, la revue « Tel Quel » publiait les traductions pongiennes des chœurs issus de Il Taccuino del Vecchio Ultimi cori per la Terra Promessa (Cori 1-7 e 9-10) e Apocalissi (1-2) – successivement incluses dans le Nouveau recueil paru chez Gallimard en 1967[7]. Quelques années plus tard, Ungaretti rédigeait Due versioni da Francis Ponge, une courte note d’introduction à Il prato et à Nuove note su Fautrier, traductions italiennes de deux pièces extraites du Nouveau recueil, publiées en 1968 par « L’Approdo Letterario » pour annoncer le projet d’une anthologie en cours de composition par les soins de Piero Bigongiari, Vita del Testo, le premier volume de Ponge paru en Italie, imprimé par Mondadori en 1971[8].

Due versioni da Francis Ponge est apparemment le seul texte qu’Ungaretti consacre au poète français. Il y souligne tout d’abord la franche physionomie de l’homme et la vivacité espiègle de son tempérament : « scherzoso, ironico, delicato, pungentissimo, smisuratamente affettuoso, acre, traboccante di umori »[9]. Ensuite, sur le même ton enjoué, il apporte à l’exégèse de l’œuvre quelques notes au caractère exalté : sous la plume de ce poète, magicien plus que le diable, les images fleurissent comme dans les mains d’un archange ; plutôt que des signes verbaux proférés oralement, les mots de Ponge paraissent à Ungaretti des objets prodigieux forgés par des mains habiles ; ils sont à la fois fulgurants comme des feux d’artifice et si intimes et secrets qu’on ne peut les prononcer à voix haute : ils touchent l’âme, à la façon des enchantements, et la pénètrent d’une allégresse brûlante ; néanmoins tout ésotérisme leur est étranger, parce qu’ils ont la force persuasive de la langue des gens les plus simples[10].

A celle de ‘magicien’, et même à celle de poète, Ponge préférait en vérité la qualification de ‘scientifique’, ou de ‘savant’, et il consentait à définir son œuvre une sorte de De varietate rerum[11]. L’artiste, écrit-il, est « un chercheur (désireux, acharné, ravi) qui trouve parfois », « un travailleur désintéressé ». Ses expériences se font à partir de deux éléments : le premier, « la matière brute, les émotions qu’elle donne, le désir qu’elle inspire » ; le second, son moyen d’expression. Le lieu où se tient son travail est le « laboratoire de l’expression » ; son impératif méthodologique, respecter l’« impression première, à savoir, ce qu’il reçoit des objets du monde » ; l’objectif de ses approximations successives, rendre le moyen apte à exprimer cette impression première, éduquer l’instrument jusqu’à le rendre capable d’exprimer face au monde ce qu’elle a de plus particulier. La rencontre de ces deux particularités – la chose et l’impression que la chose suscite chez le poète – se transmute alors, par l’œuvre de la parole, dans le mystère de l’universel :

il s’agit, grâce à l’autorité que confère le Verbe, les “Belles expressions”, de faire devenir idées générales votre sensibilité la plus particulière, vos intuitions les plus audacieuses […]. Car qu’y a-t-il de plus subjectif que le goût ? […] le plus subjectif n’est-il pas, pourtant, en quelque façon commun?

C’est cette connaissance ultime, particulière et universelle à la fois, « la nature muette (le mystère, le secret) », qui fait du poète l’égal du savant[12].

Si le pouvoir d’une telle transformation est intrinsèque à la parole, qui nous sert, note le poète, « à la fois à nommer les objets de la nature et à exprimer nos sentiments », néanmoins il requiert chez celui qui le met en œuvre une disposition particulière[13]. Personne, écrivait Jean-Paul Sartre en 1944, n’est allé plus loin que Ponge dans l’appréhension de l’être des choses[14]: ses prémisses sont le fondement de la phénoménologie, « aux choses mêmes »; sa manière de procéder, un amour radical : « cet amour, qui ne comporte ni désir, ni ferveur, ni passion, mais qui est approbation totale, total respect, application extrême […] à ne pas gêner l’objet »[15], et qui ne peut manquer d’évoquer la posture dans laquelle Ponge choisit d’être évoqué post mortem – « Je me suis allongé aux côtés des êtres et des choses », fit-il écrire sur son épitaphe[16].

Or tel est bien le sentiment qui semble inscrit au cœur de la matière première de notre savant – « la matière brute, les émotions qu’elle donne, le désir qu’elle inspire » : non mentionné en tant que pronom, le sujet aimant figure néanmoins ‘dans le creux’ de la formule : il est ‘celui qui est ému’, ‘celui qui est inspiré’, et se définit ainsi comme le lieu vide d’un passage d’énergie, laquelle pénètre en lui, par l’inspiration du désir, et émane de lui, attirée par l’émotion. Les choses ne sont plus des « objets subjectifs », réceptacles d’un sentiment qui a sa cause au sein du sujet et ne fait que se déverser en elles, en les submergeant d’un « un flot humain, lyrique » ; elles sont elles-mêmes la cause objective du sentiment, le contrepoids de l’âme qui garantit au corps-homme l’état d’équilibre, de flottaison, l’ancrage relationnel nécessaire à la circulation de l’énergie vitale[17]. Voilà pourquoi Ponge adopte, comme l’écrit encore Sartre, l’attitude chère à tous les radicalismes philosophiques – « feignons que je ne sache rien » – une amoureuse suspension du jugement qui fait apparaître chaque chose comme un projet inédit, un effort vers l’expression que le poète a pour vocation d’amener à la parole.

La forme linguistique à conférer à ce projet n’aura rien à voir avec le « magma analogique » d’origine symboliste. Elle aura plutôt le caractère d’une formule, la « formule claire et impersonnelle » que les soins du chercheur extraient de la chose même, à raison d’« une rhétorique par objet »[18].

Afférent aux domaines de la magie, du droit, et secondairement, des mathématiques, de la chimie et de la minéralogie, le terme ‘formule’ indique un lien d’exactitude dont la seule garantie est donnée par la coïncidence effective, factuelle, de la parole et du phénomène. Dans l’acception magique et juridique, le terme a une valeur performative essentielle : elle est le seul processus qui permette à certains phénomènes de se manifester, en les rendant valides ; en tant que telle, elle doit être individuée, fixée, transmise. L’écriture poétique n’a donc pas seulement une visée d’expression et de connaissance ; elle permet enfin de perfectionner et de conserver la formule comme une sorte de contrat : « la notation ou la recherche d’une sorte de perfection dans l’expression verbale, telles me paraissent les causes, les motivations possibles d’un recours à l’écriture », ce qui, en définitive, rapproche la poésie « de la maxime, ou de l’oracle, ou du proverbe, ou de la loi »[19].

Voilà comment la parole poétique devient aussi limpide, visible et concrète qu’un objet manufacturé. Homologue de la chose à laquelle elle ressemble autant que le peut un fait de langage, elle ne parvient cependant jamais à saisir son objet de manière définitive, et en préserve ainsi la capacité à susciter le désir, résidu d’un processus de notation relancé à l’infini : « on ne franchit pas la chose », écrit Ponge, « on est ému ».

Ponge compose à son tour une brève note sur Ungaretti, datée du 8 juin 1970, ébauche incomplète destinée vraisemblablement à rendre hommage à la mémoire du poète moins d’une semaine après sa mort. L’édition Pléiade la rapporte comme manuscrit afférant au recueil « Dans l’atelier du Nouveau nouveau recueil ». Le nom du poète italien, ici comme ailleurs dans l’œuvre, est postposé au superlatif « le très cher », hommage à une amitié cordiale qui estompe, sans l’effacer, l’étrangeté des expériences poétiques respectives[20]. Ungaretti est en effet l’auteur d’une « poésie subjective », du type précisément que Ponge a refusé pour lui-même, et sur laquelle il s’exprime ailleurs en des termes très durs : « une simple éjaculation : donc ne tendant à rien d’autre… », « un jet inconscient de semence, ou une simple défécation, un simple vomissement […] parfaitement solitaire (cf. la masturbation) et n’engendrant rien…»[21].

Chez Ungaretti aussi, « la coupe est pleine », c’est-à-dire, idiomatiquement, ‘le fluide est sur le point de déborder’ ; et cependant, ajoute Ponge comme pour atténuer ce jugement lapidaire, « ce n’est qu’une coupe et on peut la boire d’un trait (l’ingurgiter) ». En effet, la poésie subjective d’Ungaretti est « l’une des seules (peut-être la seule) […] supportable ». La suite du texte, rédaction provisoire d’une sorte de manifeste poétique e contrario, nous fournit quelques indices quant à ce qui pouvait la rendre telle :

Il s’agit d’une voix naturelle, non hermétique, non savante, non érudite, sans aucun folklore, ni populaire, ni exotique, sans pittoresque, sans aucune fausse naïveté, sans aucune maladresse voulue, sans aucun gigantisme caché, sans orgueil, sans didactisme, sans oracle, sans la moindre bêtification. La voix sort naturellement, authentiquement, de la gorge […] d’un homme bien portant, équilibré, plein d’expérience, raisonnable, […] un homme sensible, […] sans recours à aucune transcendance, à aucun système idéologique encombrant. Sans idéologie. Sans recours à la chanson, au chant.[22]

Le poète promet d’en dire plus – « je m’expliquerai plus loin » – mais il n’en fera rien. Cette interruption pourrait faire penser que, malgré l’hommage sincère rendu à la mesure de l’œuvre – « retenue, contenue, litotique », et pourtant non seulement supportable, mais même « exemplaire et admirable et en quelque façon médusante »[23] – Ponge n’ait pu réellement se justifier le lyrisme d’Ungaretti.

L’un des derniers sages de notre temps

Malgré la présentation variée offerte par l’anthologie Vita del testo, la réception de Ponge en Italie se focalise nettement sur Le parti pris des choses, dont la traduction par les soins de Jacqueline Risset – amie du poète au sein de la rédaction de « Tel Quel » – paraît chez Einaudi, en 1979, près de quarante ans après la première édition parisienne[24]. Italo Calvino en offre un ample et généreux compte rendu, Felice tra le cose, publié par le journal quotidien à diffusion nationale « Corriere della Sera », le 29 juillet 1979[25].

Calvino jugeait alors la réception de l’œuvre faible, son heure encore à venir, et il souhaitait que la publication du petit volume fournît l’occasion afin que ce poète discret, l’un des derniers sages de notre temps, pût trouver en Italie une nouveau cortège d’adeptes[26]. Par la suite Calvino explique clairement en quoi consiste le savoir propre à Ponge et l’état de choses qu’il est appelé à amender, fondement d’une admiration durable qui s’exprimera encore dans les célèbres Lezioni americane sur la rapidité et, surtout, sur l’exactitude.

Tout d’abord, constate Calvino, Ponge nous invite à observer les choses qui nous entourent en nous dépouillant des préjugés générés par les habitudes langagières de la pensée commune : « prendere un oggetto il più umile, un gesto il più quotidiano, e cercare di considerarlo fuori d’ogni abitudine percettiva, di descriverlo fuori d’ogni meccanismo verbale logorato dall’uso »[27]. À une semblable observation, la surface du monde révèle une variété inattendue qui remplit l’observateur d’une sorte de félicité élémentaire. Ce type de sentiment fait l’objet, par exemple, de l’incipit de la pièce consacrée aux portes :

Les rois ne touchent pas aux portes.

Ils ne connaissent pas ce bonheur : pousser devant soi avec douceur ou rudesse l’un de ces grands panneaux familiers, se retourner vers lui pour le remettre en place, – tenir dans ses bras une porte.[28]

Or ce sentiment ne découle pas d’une valeur particulière que les choses prendraient aux yeux de celui qui regarde, mais de la pure perception du fait que celles-ci existent, et qu’elles existent en tant que telles : « siamo tutt’a un tratto felici di trovarci in un mondo pieno di porte da aprire e da chiudere », commente Calvino :

non per qualche ragione estranea al fatto in sé (come potrebbe essere una ragione simbolica, o ideologica, o estetizzante), ma solo perché ristabiliamo un rapporto con le cose come cose, con la diversità d’una cosa dall’altra, e con la diversità d’ogni cosa da noi.[29]

Le secret de Ponge est d’identifier en chaque chose un trait pertinent, mais inhabituel – « fissare d’ogni oggetto o elemento l’aspetto decisivo […] che è quasi sempre quello che meno si considera abitualmente » – et d’en faire la base de son propos[30]. La célébration de la qualité différentielle de chaque chose implique naturellement la recherche de sa finitude : « L’illimitato non entra nella sua pagina », commente Calvino. C’est pourquoi pour arriver à parler de la mer, par exemple, Ponge s’attache à décrire les plages, les côtes, et il intitule sa pièce Bords de mer :

La mer jusqu’à l’approche de ses limites est une chose simple qui se répète flot par flot. Mais les choses les plus simples dans la nature ne s’abordent pas sans y mettre beaucoup de formes, faire beaucoup de façons, les choses les plus épaisses sans subir quelque amenuisement. C’est pourquoi l’homme, et par rancune aussi contre leur immensité qui l’assomme, se précipite aux bords ou à l’intersection des grandes choses pour les définir.[31]

Ses modèles préférés – le mollusque, parce qu’entièrement ramassé à l’intérieur de sa coquille ; le végétal, parce qu’exprimé par une forme d’écriture qui s’exhibe entièrement, qui ne peut se corriger si ce n’est en s’accroissant par des signes ultérieurs – sont des véritables « saints » de la finitude : « Mais saints en quoi », se demande Ponge : « en obéissant précisément à leur nature. Connais-toi donc d’abord toi-même. Et accepte-toi tel que tu es. En accord avec tes vices. En proportion avec ta mesure »[32]. À ce bon usage de soi correspond directement un bon usage d’autrui, dans le cadre d’un modèle de sociabilité harmonieuse, où la limité posée à chacun par ce qui l’entoure est à la fois ce qui le contient et ce qui en fait éclore la nature propre : « il faut susciter l’homme, l’inciter à être; il faut inciter la société humaine à être de telle sorte que chaque homme soit »[33]. Tel est l’enseignement offert par le cristal naturel qui se découpe sur la paroi rocheuse : les bords, opaques, produisent la diffraction de la lumière ; ainsi délimitent-ils la structure du cristal en même temps qu’ils en causent le scintillement si caractéristique :

dans cette prétendue liberté offerte par les failles de leur société environnante, que développent-elles, sinon leur détermination particulière, dans sa plus grande pureté et rigueur. D’où leur élan, et d’où leurs limites, leurs merveilleuses limites! Aussitôt c’est la perfection. […] Vides de toutes nuées, de toute ombre, la moindre lumière aussitôt s’y sent prise et ne peut plus en sortir […] comme l’hôte éperdu d’une maison (par lui-même) incendiée.[34]

On comprend mieux dès lors le prix de la confiance que Calvino place dans l’œuvre de Ponge en tant qu’antidote spécifique à la « peste » de notre temps, « l’epidemia pestilenziale » – ainsi qu’il l’écrit dans la conférence Mondo scritto e mondo non scritto – qui a frappé l’humanité dans la faculté qui la caractérise le plus, c’est-à-dire, l’usage de la parole, et qui fait l’objet du diagnostic suivant :

il livellamento dell’espressione sulle formule più generiche, anonime, astratte […] la diluizione dei significati […] lo spegnimento di ogni scintilla che sprizzi dallo scontro delle parole con nuove circostanze.[35]

Il s’agit, en d’autres termes, d’une infirmité relative à la capacité d’exprimer des qualités différentielles minimales, qui produit un amoindrissement de la capacité du langage d’appréhender les contours spécifiques du réel.

Si l’on y regarde mieux, cependant, la peste du langage ne frappe pas seulement les signes ; le monde lui-même perd de sa consistance, la vie des personnes et l’histoire des nations apparaissent également informes : « casuali, confuse, senza principio né fine »[36]. À l’origine du mal, en somme, Calvino identifie une perte de forme généralisée, à laquelle il essaie d’opposer la seule défense qu’il parvienne à concevoir : une certaine idée de la littérature.

Or la première opération recommandée en vue d’une telle guérison est précisément celle qu’entreprend Ponge, à savoir, une pratique de rééducation à la perception du niveau de différentiation minimale et à l’expression de l’unité de valeur minimale correspondante. C’est pourquoi Ponge est un auteur cosmogonique, capable de redéfinir les contours du monde en les faisant nouvellement affluer dans la parole : un Lucrèce de notre temps, qui reconstruit « la fisicità del mondo attraverso l’impalpabile pulviscolo delle parole »[37].

Cette pratique d’écriture alimente la réflexion de l’écrivain italien sur son propre idéal d’exactitude, cette vertu par laquelle le langage tend à se faire l’équivalent de la concrétude truffée d’objets du monde environnant, tendance vouée à ne jamais atteindre sa fin, parce que la discontinuité lacuneuse de la parole ne peut égaler le caractère continu de l’expérience. En tant que fondateur d’un genre unique dans la littérature contemporaine, Ponge est naturellement érigé en modèle de cette vertu, celle-là même qui inspire à Calvino son propre « diario su problemi di conoscenza minimali », à savoir Palomar[38]. Ponge contribue ainsi – avec William Carlos Williams, et son cyclamen; avec Marianne Moore, et son nautilus; avec Eugenio Montale, et son anguille – à forger l’une des grandes leçons de la poésie du vingtième siècle : « il faut une marée de concret, une nouvelle invasion de l’homme par les choses »[39].

Ces poètes, observe en effet Calvino, nous invitent à repenser l’humanité à l’aune des choses, à investir toute notre attention, tout notre amour pour le détail, en quelque chose qui soit le plus loin possible de toute image humaine : un objet, une plante, un animal qui identifie notre sentiment de la réalité, notre morale, notre moi[40].

La poétique pongienne implique de ce fait une vision matérialiste, non téléologique de l’univers : « Oui, le parti pris naît à l’extrémité d’une philosophie de la non-signification du monde », déclare le poète, « donc, ni Dieu ni l’homme existent : mais la vie existe, elle est immortelle (ce qui revient à affirmer que la matière est la seule réalité) »[41]. L’absence de Dieu et le caractère insensé du monde sont acceptés et même dénués de leur possible signification tragique. Or si Ponge ne regrette point la divine unité perdue, il n’adhère pas non plus à l’idée d’un monde chaotique, dépourvu de tout principe de nécessité. Plutôt, dans les termes de Bernard Veck, il situe la matière elle-même à la place vacante du Créateur et, en se rattachant à la tradition de l’atomisme épicurien, il conçoit le fonctionnement du monde comme un incessant renouvellement du multiple[42] : « Nostalgie de l’unité, dites-vous? Non, de la variété »[43]. La substance de l’homme ne diffère donc pas essentiellement de celle des choses ; elle en est solidaire, se compose et se décompose suivant le flux élémentaire des rencontres qui adviennent au sein de la « rêveuse matière ». Dans cette commune participation de l’homme et des choses à un même concert cosmique se réalisent, à la fois, le salut de l’homme et la diverse beauté du monde:

Il suffit d’abaisser notre prétention à dominer la nature et d’élever notre prétention à en faire physiquement partie, pour que la réconciliation ait lieu. Quand l’homme sera fier d’être non seulement le lieu où s’élaborent les idées et les sentiments, mais aussi bien le nœud où ils se détruisent et se confondent, il sera prêt d’être sauvé[44] .

C’est pourquoi, écrit Calvino, l’opération langagière de Ponge est à comparer, en définitive, à celle de Mallarmé, dont elle constitue l’envers complémentaire[45].

Chez Mallarmé, la parole atteint l’exactitude maximale en même temps que le degré maximal d’abstraction ; elle ne peut rien connaître en dehors d’elle-même et par conséquent s’identifie avec ce néant où elle fait consister la substance ultime du monde ; c’est là, si l’on veut, une sorte de ‘parti pris du Verbe’. Chez Ponge, en revanche, la parole est l’instrument préposé à rendre compte de la menue, infinie variété des choses les plus humbles, contingentes, imparfaites ; elle atteint la plus grande exactitude en même temps que le degré maximal de concrétude, et elle fait consister la substance ultime de la vie dans la multiforme surface du monde, dans la variété que l’inépuisable créativité de la matière est capable d’y générer.

De par l’accent mis sur la vocation finie, concrète, rationnelle et, en somme, apaisée du langage, l’analyse de Calvino paraît certes plus homogène à l’écriture pongienne que les hâtives attestations de pouvoirs occultes formulées par Ungaretti. Elle éclaire, de plus, la saisissante particularité de l’œuvre pongienne et les raisons qui placèrent sa fortune italienne plutôt dans les années soixante-dix qu’auprès des contemporains immédiats.

Bibliographie

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VIOLANTE PICON Isabel, Une oeuvre originale de poésie. Giuseppe Ungaretti traducteur, Paris, PUPS, 1998, p. 288-300.

Giulia Grata

Università Cattolica del Sacro Cuore di Milano

POUR CITER CET ARTICLE Giulia Grata, « Sage ou magicien? Deux notes sur la réception de Francis Ponge en Italie », Nouvelle Fribourg, n. 1, juin 2015. URL : https://www.nouvelle-fribourg.com/archives/sage-ou- magicien-deux-notes-sur-la-reception-de-francis-ponge-en- italie/

 

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NOTES

1 Eugenio Montale, Intervista [1961], dans Il Secondo mestiere : Arte, musica, società, sous la direction de Giorgio Zampa, Milan, Mondadori, 1996. Francis Ponge est connu en Italie dès l’après-guerre : Piero Bigongiari lui consacre un écrit sur « Paragone » en 1949 ; Sergio Solmi le cite dans Poesia francese 1950 (consultable aujourd’hui dans le volume Saggi di letteratura francese, sous la direction de Giovanni Pacchiano, Milan, Adelphi, 2009) ; Carlo Bo l’inclut dans l’anthologie Nuova poesia francese, Parme, Guanda, 1952, de même qu’Attilio Bertolucci, dans Poesia straniera del Novecento, Milan, Garzanti, 1958 ; des poèmes épars sont également publiés dans des revues, « Botteghe Oscure » et « Il Verri », notamment.

2 Le présent article est issu d'un plus vaste ouvrage consacré à la réception de la poésie française auprès des poètes italiens de l'après-guerre. Le volume, intitulé Poeti lettori di poeti. Sondaggi sulla letteratura francese in Italia oltre l'ermetismo, est en cours de publication chez ETS, Pise, 2015.

3 Francis Ponge, La Fabrique du Pré, in Oeuvres complètes, édition publiée sous la direction de Bernard Beugnot, Paris, Gallimard, 2002 [dorénavant : OC], t. II.

4 Francis Ponge, De la nature morte et de Chardin, dans L’Atelier contemporain, OC, t. II, p. 662. Parmi les contributions les plus significatives consultées relativement à l’œuvre de Ponge: Francis Ponge, présentation par Philippe Sollers, choix de textes, bibliographie, portraits, fac-similés, Paris, Seghers, 1963 ; Philippe Sollers, Entretiens de Francis Ponge avec Philippe Sollers, Paris, Gallimard/Seuil, 1970 ; Ponge inventeur et classique, Colloque de Cerisy, sous la direction de Philippe Bonnefis et Pierre Oster, Paris, Union Générale d'éditions, 1977 ; Jean-Marie Gleize – Bernard Veck, Francis Ponge : actes ou textes, Lille, Presses Universitaires de Lille, 1984 ; Michel Collot, Francis Ponge entre mots et choses, Seyssel, Champ Vallon, 1991 ; Francis Ponge : Matière, Matériau, Matérialisme, textes réunis et présentés par Nathalie Barberger, François Noudelmann et Henri Scepi, La licorne, Poitiers, UFR Poitiers, 2000 ; Francis Ponge : Preuves et épreuves, actes du colloque du 3 juin 1999, textes rassemblés par Guy Lavorel, Lyon, Université Jean Moulin, 2002 ; Francis Ponge et la robe des choses, actes des journées consacrées à Francis Ponge, Nice 9-10 décembre 2010, sous la direction de Béatrice Bonhomme et Odile Gannier, Paris, L’Harmattan, 2012.

5 L’admirateur italien le plus généreux et le plus fidèle fut sans aucun doute Piero Bigongiari, qui consacra à Ponge quatre essais recueillis dans le volume Poesia francese del Novecento, Florence, Vallecchi, 1968. Des versions d’après Ponge sont également incluses par Diego Valeri dans son cahier de traductions Quaderno francese del secolo, Turin, Einaudi, 1965.

6 Pour les documents relatifs aux contacts entre Ungaretti et Ponge, voir Isabel Violante Picon, Une oeuvre originale de poésie. Giuseppe Ungaretti traducteur, Paris, PUPS, 1998, p. 288-300.

7 Pour les documents relatifs aux contacts entre Ungaretti et Ponge, voir Isabel Violante Picon, Une oeuvre originale de poésie. Giuseppe Ungaretti traducteur, Paris, PUPS, 1998, p. 288-300.

8 Francis Ponge, Vita del testo, sous la direction de Piero Bigongiari, traductions de Luciano Erba, Jacqueline Risset, Giuseppe Ungaretti, Milan, Mondadori, 1971. Les traductions de Luciano Erba seront incluses dans le cahier de versions que le poète publiera en 1991 sous un titre, précisément, pongien, Dei cristalli naturali e altri versi tradotti (Guerini, Milan) ; dans la préface, l’auteur déclarera avoir traduit Ponge non par l’effet d’une inclination particulière, mais pour répondre à une commande. Les traductions de Jacqueline Risset, en revanche, feront l’objet d’un volume, Il partito preso delle cose, publié par Einaudi en 1979, et précédé d’une fine étude intitulée De varietate rerum o l’allegria materialista.

9 « Drôle, ironique, délicat, piquant, affectueux jusqu’à la démesure, âcre, débordant d’humeurs » [Traduction de l’auteur].

10 Giuseppe Ungaretti, « Due versioni da Francis Ponge », L’Approdo letterario, n. 43, juillet – septembre 1968, p. 9-24. Les originaux sont dans Francis Ponge, Nouveau recueil, OC, II, p. 340-345.

11 Le titre est proposé par l’ami Bernard Groethuysen et cité par Ponge dans Proêmes, Pages bis VII, I, p. 217.

12 Les citations de tout le paragraphe sont issues de Ponge, Déclaration, condition et destin de l’artiste, dans Nioque de l’avant-printemps, OC, II, p. 981.

13 Francis Ponge, À la rêveuse matière, dans À la rêveuse matière, OC, I, p. 337.

14 La référence est à Jean-Paul Sartre, L’homme et les choses [1944], dans Situations I, Paris, Gallimard, 1947.

15 Francis Ponge, Conception de l’amour en 1928, dans Proêmes, OC, I, p. 172-173.

16 L’épitaphe est citée par Gérard Farasse, Francis Ponge : profession : artiste en prose, Nîmes, Alcide, 2011.

17 Les citations sont issues de Ponge, Une poétique par objet, dans L’Atelier contemporain, OC, I, p. 658.

18 Francis Ponge, Déclaration, condition et destin de l’artiste, dans Nioque de l’avant-printemps, OC, t. II, p. 981.

19 Francis Ponge, Les sentiers de la création, dans La Fabrique du Pré, OC, t. II, p. 436.

20 Francis Ponge, [Sur Ungaretti], [Manuscrit du 8 juin 1970], dans Dans l’atelier du « Nouveau nouveau recueil », OC, t. II, p. 1340-41.

21 Francis Ponge, Les sentiers de la création, dans La Fabrique du Pré, OC, II, p. 435.

22 Francis Ponge, [Sur Ungaretti], Dans l’atelier du nouveau « Nouveau recueil », dans OC, II, p. 1341.

23 Il y a peut-être ici référence au caractère sybillin, lapidaire, si typique des premiers écrits d’Ungaretti.

24 Francis Ponge, Il partito preso delle cose, introduction et traduction de Jacqueline Risset, Turin, Einaudi, 1979.

25 Italo Calvino, Francis Ponge [Felice tra le cose, compte-rendu de Il partito preso delle cose, Turin, Einaudi, 1979, paru dans le journal quotidien « Corriere della Sera » le 29 juillet 1979], désormais inclus dans Saggi 1945-1985, sous la direction de Mario Barenghi, Milan, Mondadori, 1995, vol. I, p. 1401-1407.

26 La situation ne semble pas avoir beaucoup évolué, dès lors que Il partito preso reste à ce jour le seul volume intégral de Ponge publié en Italie. Pour une vue d’ensemble sur la réception de la poésie française en Italie dans l’après-guerre, voir le volume sous presse cité à la note 3.

27 « Prendre un objet, le plus humble, un geste, le plus quotidien, et essayer de les consider en dehors de nos modes de perception habituelle, en dehors de tout mécanisme verbal usé » [Traduction de l’auteur].

28 Francis Ponge, Les plaisirs de la porte, dans Le parti pris des choses, OC, I, p. 23.

29 « Nous sommes tout à coup heureux de nous retrouver dans un monde plein de portes à ouvrir et à fermer […] non pour une quelconque raison étrangère au fait en lui-même, comme pourrait l’être une raison symbolique, ou idéologique, ou esthétisante, mais seulement parce que nous rétablissons un contact avec les choses en tant que choses, avec la diversité d’une chose d’avec l’autre, avec la diversité de toute chose d’avec nous-mêmes » [Traduction de l’auteur].

30 « Fixer, pour chaque chose ou élément, l’aspect décisif, qui est presque toujours celui qu’on considère le moins habituellement » [Traduction de l’auteur].

31 Francis Ponge, Bords de mer, dans Le parti pris des choses, OC, I, p. 29.

32 Francis Ponge, Escargots, dans Le parti pris des choses, OC, I.

33 Francis Ponge, Pages bis V, Proêmes, p. 212.

34 Francis Ponge, Des cristaux naturels, dans Méthodes, OC, I, p. 632-33.

35 « Le nivellement de l’expression sur les formules les plus générales, anonymes, abstraites, la dilution des significations, l’étouffement de toute étincelle générée par le choc entre les mots et les circonstances nouvelles » [Traduction de l’auteur]. Italo Calvino, Mondo scritto e mondo non scritto, dans Saggi 1945-1985, vol. II, p. 1865-1875.

36 « Livrées aux hasard, confuses, sans commencement ni fin » [Traduction de l’auteur]. Ibidem.

37 « Il reconstruit la forme physique du monde à travers l’impalpable poussière des mots » [Traduction de l’auteur]. Les passages cités sont issus de Italo Calvino, Esattezza, in Lezioni americane, Saggi 1945-1985, vol. I, p. 677-696.

38 « Journal sur des problèmes de connaissance minimaux » [Traduction de l’auteur]. La référence est au roman de Italo Calvino, Palomar, Einaudi, Turin, 1983.

39 Francis Ponge, Après lecture de L’anxiété de Lucrèce, dans Pratiques d’écriture, OC, t. II, p. 1008.

40 Italo Calvino, Esattezza, dans Lezioni americane, Saggi 1945-1985, vol. I, p. 677-696.

41Francis Ponge, Notes pour mon Picasso-Draeger [1973], dans Nouveau nouveau recueil, OC, t. II, p. 1269-1271.

42 Jean-Marie Gleize – Bernard Veck, Préface, dans Francis Ponge: Actes ou Textes, Lille, Presses Universitaires de Lille, 1984.

43 Francis Ponge, Pages bis VII, dans Proêmes, OC, t. I, p. 217.

44 Francis Ponge, Le monde muet est notre seule patrie, dans Méthodes, OC, t. I, p. 631.

45 Voir encore Italo Calvino, Esattezza, dans Lezioni americane, Saggi 1945-1985, vol. I, p. 677-696.

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