ISSN 2421-5813

Résumé   La carrière de Mallarmé possède son iconographie, que la critique a trop rarement commentée. On a longtemps considéré que l’auteur de « Crise de vers », qui prône la « disparition élocutoire du poète », ne pouvait adopter de stratégie auctoriale que négative. Mais la galerie de ses représentations, marquée en particulier par les portraits de Manet (1876) et Whistler (1892), mérite d’être observée de près. Les images que Mallarmé élit, qu’il choisit de mettre en circulation à des moments précis de son parcours, face à un public qui lui aussi se modifie et infléchit ses attentes, ne sont pas seulement liées à une entreprise de promotion mais révèlent par ailleurs un intérêt constant pour la figure du poète – une figure largement imaginaire, adaptable à différents contextes et répondant à différentes idéologies.

Abstract   Stéphane Mallarmé’s poetic trajectory has an iconography of its own, generally neglected by the critics. The author of « Crise de vers », advocating the poet’s disappearance – in his famous formula « la disparition élocutoire du poète » – has been associated with a negative form of auctoriality. Yet his portraits, in particular those by Manet (1876) and Whistler (1892), deserve close scrutiny. The images Mallarmé choses to use and circulate at precise moments in his career, for an audience which changes and alters its expectations, reveal his permanent interest in the figure of the poet – which to a great extent is an imaginary construction, adaptable to diverse contexts and ideologies.

Mots-clés   Stéphane Mallarmé (1842-1898) – portraits – illustrations – stratégies auctoriales – théorie littéraire.

Keywords   Stéphane Mallarmé (1842-1898) – portraits – illustrations – auctorial strategies – literary theory.

On sait bien sûr que Mallarmé a souhaité « céd[er] l’initiative aux mots » en préconisant la « disparition élocutoire du poëte »[1]. Embrigadé par la suite aux côtés de Roland Barthes dans une offensive contre la notion théorique d’auteur, on lui a attribué la « prévision » géniale dont se nourrit la pensée littéraire moderne, la « vision » qui dicte aux poètes, après le symbolisme et en rupture avec sa défense de l’expression, encore teintée de romantisme, la « nécessité de substituer le langage lui-même à celui qui jusque-là était censé en être le propriétaire », c’est-à-dire de « supprimer l’auteur au profit de l’écriture »[2] pour consacrer la valeur et l’autonomie du « texte ». Mais les coups de théâtre théoriques des années 1960, liés aux noms de Barthes, de Foucault, de Derrida, ont balayé un peu cavalièrement les objections que des lectures moins idéologiques auraient pu susciter. Si la postérité a surtout retenu des Divagations les déclarations pour le moins efficaces de « Crise de vers », dont la modernité a fait son miel, la section consacrée au « livre » n’est pourtant pas la plus épaisse ; elle est précédée d’une série de « médaillons et portraits en pied » qui met incontestablement en avant, sinon la figure de l’auteur elle-même, du moins la relation de l’homme et l’œuvre, amplement discutée dès le milieu du XIXe siècle par la critique naissante. Or, l’engouement de ses contemporains n’a pas laissé Mallarmé insensible, quoi que ses lecteurs plus tardifs aient pu en penser. Les figures d’artistes qu’il fait intervenir dans ses « médaillons et portraits en pied » présentent notamment des visages divers, pas tous effacés ou retirés[3], et s’adossent à des stratégies de présentation de soi et de promotion de l’œuvre, plus ou moins originales ou plus ou moins convenues, qui n’ont pas manqué d’intéresser le futur maître de « l’impersonnalité »[4], dont les discours sur la « disparition » composent après tout un ethos, une manière d’être et d’apparaître à ses lecteurs, ceux de la deuxième moitié du XIXe siècle comme ceux de l’ère structuraliste[5].

Lui-même portraitiste à une époque où les portraits littéraires s’échangent en guise de reconnaissance ou d’hommage, circulent entre les écrivains de plusieurs générations, contribuant à leur socialisation autant qu’à l’animation d’un milieu littéraire en train de se refermer sur lui-même, Mallarmé a aussi joué le rôle de modèle pour plusieurs peintres[6]. Les portraits qu’on a faits de lui ont reçu de sa part des accueils variables et n’ont souvent été diffusés que dans un cercle étroit d’amis ou de pairs ; mais certains ont suffisamment retenu son attention pour qu’il décide d’en faire un usage public, afin de répandre à côté des poèmes une image de leur auteur. Ce sont le tableau de Manet, vers la fin des années 1870, la lithographie de Whistler, dans la première moitié des années 1890, auxquels on peut encore ajouter la photographie de Nadar, quelques années avant la mort du poète. J’interrogerai dans cet article les raisons qui ont pu déterminer l’élection de ces images à des moments différents de la carrière de Mallarmé, et leur valeur non seulement stratégique mais aussi théorique : un portrait d’artiste, en effet, travaille à mesurer et négocier un rapport, une distance entre l’auteur représenté et son œuvre à promouvoir. En observant les usages que le poète fait de ses portraits – ceux, d’abord, « en phrases »[7], qu’il consacre à Manet et à Whistler, auxquels il rend la monnaie de leurs pièces, ceux, ensuite, que les peintres font de lui et qu’il s’approprie pour diffuser son image –, j’aimerais montrer que les manipulations auxquelles Mallarmé soumet la figure de l’auteur ne relèvent pas seulement de l’autopromotion mais qu’elles rendent compte de son intérêt constant pour l’image, voire l’imaginaire, du poète. La nature de son intérêt est d’ailleurs tout aussi théorique qu’à l’égard de la « disparition élocutoire ».

Du portrait à l’œuvre

Destinés à paraître dans un même volume collectif en 1895, les portraits que Mallarmé compose sur Whistler et sur Manet, repris dans les Quelques médaillons et portraits en pied des Divagations (1897), se plient aux mêmes exigences rhétoriques mais présentent, sur le plan du contenu, deux facettes opposées de l’artiste moderne, deux types, dont le rapport à l’œuvre ne se laisse pas du tout penser dans les mêmes termes. Le diptyque, ainsi, n’a pas pour seul objet la présentation de deux hommes du siècle ; il illustre surtout l’impact d’une figure d’auteur sur la conception de l’œuvre qui lui est logiquement associée, et mesure les implications théoriques de toute représentation de soi, quand elle est artistique.

Au sujet de Whistler, Mallarmé se contente de rejouer la légende déjà bien ancrée de l’artiste romantique, retiré, « Monsieur rare, prince en quelque chose », dont la distance à l’œuvre semble si bien se creuser que cette dernière, rendue autonome, peut à la fin « jou[er] au miracle et ni[er] le signataire »[8]. Mais la disparition de l’artiste est envisagée, en fait, comme une mise en scène, tributaire d’un certain « maintien » et du choix d’un « habit noir », précédée, donc, de l’élaboration d’un personnage. Ce n’est pas tant que l’image est refusée au public, mais qu’elle ne lui parvient que conforme à une stratégie, dépouillée de tout ce qui pourrait compliquer ou nuancer une figure idéale, ce « gardien d’un génie, auprès comme Dragon, guerroyant, exultant ». Whistler, dans le portrait de Mallarmé, « présente, à des contemporains […], ce que juste, de l’auteur, eux doivent connaître », et pas plus. Il demeure « ténébreux », mais « d’autant » plus obscur qu’il est aussi « apparu », le mystère dont il tire son aura s’imposant non à travers la rétention de l’image, mais dans l’exhibition parcimonieuse de quelques traits significatifs, qui servent à construire un mystère facilement transmissible et largement acceptable – puisque devant l’« œuvre de mystère » de Whistler « notre cohue passerait même sans hostilité » –, par ailleurs assez artificiel, le « ténébreux […] gardien » étant finalement qualifié de « précieux » et de « mondain ». Reportée sur l’œuvre, l’énigme de l’auteur, ménagée par de savants ajustements aussi bien stylistiques que rhétoriques, détermine la réception des toiles, dans « l’obsession » desquelles l’artiste est « rentr[é] ». De fait, quand Mallarmé considère dans l’incipit du portrait la question de savoir si Whistler est ou non « l’homme de sa peinture », il précise que la question est mal posée : « au contraire », répond-il, c’est plutôt l’œuvre qui, à la faveur d’une telle scénographie auctoriale, est en quelque sorte réappropriée comme la peinture de son homme.

Placé après, le portrait de Manet présente un tout autre rapport de l’artiste à son œuvre, moins cohérent mais plus riche de leçons esthétiques, dont Mallarmé se prétend « inoublieux »[9]. L’exubérant « railleur à Tortoni », non moins « élégant » que Whistler, incarne cependant le contraire de l’artiste « hautain »[10] : vêtu d’un « pardessus mastic », il est « enjouement et grâce », son « ingénuité virile » rappelant celle d’un « chèvre-pied » dont la sensualité se répercute dans son rapport à la toile, passionné et violent. Si Whistler a trouvé le moyen de « rentr[er] » subtilement et avec art « dans l’obsession de ses toiles »[11], Manet s’y jette, « la furie […] le rua[nt] sur la toile vide, confusément, comme si jamais il n’avait peint ». Pas question, dans aucun des deux cas, de renoncer à cette pénétration de l’œuvre par l’homme, mais elle s’accomplit chez l’un et l’autre de deux manières très différentes. Échappant au mythe romantique, Manet se consacre à un travail où l’image est aussi en jeu, mais d’une autre façon, beaucoup plus originale. L’homme se projette dans l’œuvre, non pas déshumanisé, pas non plus typifié comme Whistler, mais impersonnel et par là universel, « n’étant autre que tous sans rester différent, à volonté ». L’œil « vierge et abstrait » de l’artiste se met au service de l’objet qu’il représente, dont il rend « l’immédiate fraîcheur de la rencontre », et sa main, dans laquelle la vision est mystérieusement « descend[ue] », « ordonn[e] […] le chef-d’œuvre nouveau et français ». Les échos d’un portrait à l’autre sont nombreux, comme on le voit : ils soulignent leur opposition, que stigmatise en particulier le retour du « mystère », situé chez Whistler du côté de la figure – construite, travaillée – de l’artiste, et chez Manet du côté du geste – tout aussi travaillé – dont l’œuvre est issue. À chaque fois mise au service de la peinture et de sa transmission vers un public, la figure de l’artiste s’impose plus – chez Whistler – ou moins – chez Manet – face à la toile. Bizarrement, c’est la figure qui semble le plus près de disparaître qui conditionne pourtant le plus l’œuvre, l’autre ethos étant plus spontané ou naturel, étrangement moins épris de lui-même.

Ce que les portraits de Whistler et Manet permettent de montrer, donc, c’est que la représentation de l’artiste par lui-même, relayée ici par un portraitiste littéraire qui en souligne les enjeux, n’a pas seulement trait à la stratégie, mais à la théorie. La position de l’artiste agit sur la nature de l’œuvre, sur la manière dont elle est transmise au public et sur les effets qu’elle produit sur celui-ci, voire sur l’engagement qu’elle sollicite de sa part. Par rapport à l’œuvre, la présence de l’auteur, saisie dans son portrait, n’exerce pas vraiment d’effet de réel mais joue plutôt un rôle ambigu : elle humanise et mythifie à la fois. Ni anodines ni accessoires, les images d’artistes précèdent l’œuvre, modifiant parfois sensiblement sa réception. C’est ce qu’ont montré les travaux récents consacrés à l’iconographie de l’auteur : les images de celui-ci « entre[raient] en interférence dynamique »[12] avec l’œuvre, elles permettraient même de faire surgir sa « vérité vivante »[13], instaurant avec le public « un contrat à compte de visage »[14]. Mais si le portrait vient rappeler au lecteur qu’il y a un homme derrière le poète, celui-ci ne se rend accessible qu’à travers le prisme d’un objet symbolique, qui l’esthétise, d’une part, et se donne d’autre part lui-même à déchiffrer.

Ce paradoxe, qui entache la transparence du portrait d’auteur, a été relevé notamment par Roland Barthes, dans Mythologies, et par Pierre Michon, dans Corps du roi. Les photographies d’auteurs illustrant ce deuxième essai superposent selon Michon deux corps contradictoires, celui de la légende littéraire et celui de l’homme qui va mourir[15]. Sur la photographie, l’écrivain devient icône mais admet aussi qu’il partage le destin, la condition, et même l’imperfection de l’homme commun. Une telle « contradiction sublime » est aussi évoquée dans l’essai plus ancien de Barthes, « L’Écrivain en vacances » : le cliché bucolique d’un auteur plongé dans l’espace populaire d’un spot balnéaire « affiche le signe de son humanité » mais confirme en même temps une supériorité d’ordre divin, car « le dieu reste »[16]. Le travail des médias, dans les années cinquante que commente Barthes, consiste à introduire de l’ambiguïté dans la consécration de l’écrivain, mais sans la mettre en question, bien au contraire. C’est paradoxalement en montrant l’humanité de l’artiste qu’on accomplit le mieux son apothéose : « Pourvoir publiquement l’écrivain d’un corps bien charnel, révéler qu’il aime le blanc sec et le bifteck bleu, c’est me rendre encore plus miraculeux, d’essence plus divine, les produits de son art »[17], écrit Barthes.

Stimulatrices de croyances, porteuses d’idéologie, les images d’écrivains fonctionnent encore mieux que les mots, et Mallarmé le sait bien, lui qui assiste aux premiers balbutiements de ce régime médiatique que Barthes observe avec acuité quelques décennies plus tard. Si le XIXe siècle est celui de l’essor de la presse écrite, l’image n’en est pas absente : en peinture et en photographie, c’est aussi le siècle du portrait, et la vie de tous les jours comme la littérature voient le développement de divers instruments d’autopromotion, comme le portrait carte[18]. L’« aigu crayon » du portraitiste, de l’aveu même de Mallarmé, est peut-être encore plus efficace que la plume du poète quand il s’agit de représenter l’auteur – lequel peut ainsi « se compla[ire], dans le blanc des pages, à leur silence »[19].

Pour ou contre l’illustration

La réponse spirituelle que Mallarmé fait à l’interviewer l’interrogeant « sur le roman illustré par la photographie », en 1898, est bien connue : « je suis pour – aucune illustration »[20], déclarait le poète, dont le propos, mettant en scène son propre retournement, n’est en fait pas si catégorique. Après avoir affirmé que « tout ce qu’évoque un livre [doit] se passer dans la tête du lecteur », il mentionne pourtant l’option, encore plus radicale que celle de l’illustration photographique, du « cinématographe » auquel il s’agirait d’aller « droit » afin de « remplac[er], images et texte, maint volume, avantageusement ». On perçoit bien le ton humoristique sur lequel la réponse est donnée, et ce ton permet de supposer que la position puriste à laquelle le poète tient encore – où le texte suffit seul à éveiller l’imagination du lecteur – est contrebalancée par une position plus pragmatique, consistant à admettre que l’image peut aider à ce qu’il se passe du moins quelque chose dans l’esprit de celui-ci. L’hypothèse, décomplexée et présentée sous la forme d’un pis-aller, était déjà évoquée une vingtaine d’années plus tôt dans l’un des « Gossips » de l’« Athenaeum » à propos de dessins d’auteurs ayant fait l’objet de publications récentes. Le poète commentait ainsi :

Les dessins d’hommes de lettres ont toujours un attrait exceptionnel pour le public qui croit voir, sur le papier de Hollande ou du Japon, comment l’image, indépendante des mots et de la beauté de la phrase, se présente, nue, à l’esprit du poëte ou du romancier.[21]

Même si les images, plutôt que donner à voir, font croire au public qu’il voit quelque chose, elles contribuent malgré tout à faciliter la réception des œuvres écrites – à la faveur d’un léger malentendu, mais sans gravité.

Et c’est donc sans arrière-pensées, semble-t-il, que Mallarmé s’est adonné à plusieurs reprises au cours de sa carrière au jeu de la représentation de soi, non seulement verbalement, comme dans la lettre dite « autobiographique » à Verlaine, mais aussi au moyen d’images. Dans les années 1870, avec la complicité de Manet, il attribuait par exemple ses propres traits au « je » du « Corbeau » de Poe, traduit par ses soins :

Fig. 1 : Édouard Manet, « À la fenètre », autographie au pinceau pour Le Corbeau d’Edgar Poe, traduit par Mallarmé et illustré par Manet, Paris, Lesclide, 1875 (source : Wikipédia)

Plus seulement revendiquée sur la page de titre du volume traduit, l’identité du traducteur s’introduit dans le volume par l’entremise de son personnage principal. Trois des quatre planches lithographiques de Manet évoquent l’apparence de Mallarmé. Or, si la ressemblance est indéniable, elle n’est jamais mentionnée par les auteurs du volume, la présence visuelle de Mallarmé demeurant gratuite et inexpliquée, à la manière d’une boutade scellant la complicité du peintre et du poète. Ce dernier, en prêtant son visage au « je » du « Corbeau », se présente découvrant comme lui la puissance évocatrice du langage, mais sans terreur ; c’est sans passer par la misère et la mort que le volume de traductions le change « tel qu’en lui-même »[22].

Beaucoup plus tard, vers la fin de sa vie, Mallarmé compose en outre avec l’aide de Degas et de Renoir un portrait collectif, en une photographie recelant un dispositif complexe, où sont appelés à se croiser les regards du peintre, du poète et de leur photographe, dont on devine la silhouette non loin des profils de Madame et Mademoiselle Mallarmé, reflétés par un miroir :

Fig. 2 : Edgar Degas, Auguste Renoir et Stéphane Mallarmé, c. 1895, photographie, 50×40, Musée départemental Stéphane Mallarmé (source : ImagesAnalyses, Paris I)

Rendu indistinct par le halo lumineux des lampes à pétrole utilisées pour éclairer la scène, l’œil de Degas se dirige toutefois vers ses comparses, dont l’un baisse les yeux vers l’autre, lequel renvoie son regard vers l’objectif, c’est-à-dire vers le spectateur. La décontraction, l’air entendu et souriant des artistes, pourtant contraints à poser longuement[23], affichent l’intimité bonhomme qui les lie, leur complicité, tout en prenant aussi le spectateur à partie. En lui donnant à voir la rencontre de trois grands représentants de l’art moderne, mais dans un intérieur bourgeois et dans une pose badine, il lui destine peut-être un commentaire sur l’entrelacement des arts, dont l’union n’est pas que théorique mais aussi mondaine.

Un portrait d’artiste, en effet, se compose ; et il arrive que le portraituré participe à la composition, comme lorsque Mallarmé, plutôt que de poser pour Munch, lui transmet la photographie de Nadar qui lui sert de portrait officiel dès l’année 1896, que la gravure du peintre norvégien se contente de transposer telle quelle[24]. À travers ce geste, Mallarmé s’assure de fait que la nouvelle représentation qu’on prépare de lui convient à celle qu’il s’est choisie, pas seulement parce qu’il désire favoriser la circulation de son image et le développement de sa gloire, mais aussi parce que l’image porte une vision de l’auteur, répercutée sur l’œuvre et susceptible d’en affecter la portée théorique.

Les discours du portrait

Les images que Mallarmé laisse filtrer de lui-même, dans les cas du Corbeau illustré par Manet et de la photographie de Degas, indiquent en fait deux stratégies antagonistes. Dans le premier cas, il s’agit de relayer sans nécessairement y croire un imaginaire du poète déjà bien implanté dans les esprits de l’époque – comme dans le portrait que Mallarmé fait de Whistler, marqué par le type du poète maudit. Dans le second, la photographie, à l’instar du portrait littéraire de Manet, malmène plus vertement, et plus ouvertement, ce même imaginaire. On va voir maintenant que les portraits auxquels le poète se fie pour diffuser son image répondent tantôt à l’une, tantôt à l’autre de ces deux stratégies, adoptées dans des contextes et à des moments différents. Ils permettent ainsi de dire quelque chose d’une « théorie mallarméenne de l’auteur », décliné sous deux visages. Considérant qu’un auteur n’est jamais dupe de son rapport à l’œuvre, Mallarmé s’autorise à l’envisager d’au moins deux manières différentes, qui ont cependant pour objectif commun de favoriser la réception de l’œuvre en la dotant d’une valeur plus grande.

En 1883, quand Verlaine sollicite de la part de Mallarmé un portrait qui chapeauterait la section qu’il lui consacre dans Les Poètes maudits, aux côtés de Rimbaud et Corbière, l’image qu’il reçoit n’est pas une photographie mais la reproduction d’un tableau par Manet, réalisé en 1876 et trônant depuis dans l’intérieur du poète :

Fig. 3 : Édouard Manet, Stéphane Mallarmé, 1876, huile sur toile, 27.5×36, Musée d’Orsay (source : Wikiarts)

Il n’est pas anodin que le poète ait choisi, pour le volume qui contribuera à lui assurer une position de plus en plus dominante dans le champ des lettres, un portait peint plutôt qu’une photographie. Le tableau de Manet est considéré comme mieux capable de faire voir l’esprit du poète qu’une représentation plus automatique, la main du peintre se substituant au mécanisme de l’appareil afin d’évoquer non seulement une image du poète, mais une légende littéraire. Le fond du tableau, neutre, constitue un lieu extratemporel sur lequel le visage de l’homme s’allégorise et peut se présenter comme l’incarnation d’un génie universel, comme le corps d’une essence abstraite, ce qu’observe Verlaine, qui y voit un poète « en quelque sorte apothéosé, immortalisé »[25]. Mieux que la photographie, qui inscrit nécessairement l’homme dans le réel, la peinture donne à contempler la conjonction d’un individu singulier et d’un symbole.

Évoqué sur le mode mineur – « petit portrait » ou « curieux tableautin »[26], qui peut servir à « amus[er] »[27] –, le tableau de Manet avait déjà été utilisé dès 1876, semble-t-il, transformé en portrait carte, pour diffuser l’image du poète dans un cercle plus restreint[28]. Or, bien que ce soit l’unique portrait circulant dans les années 1880, son utilisation pour le moins sérieuse, presque officielle, n’empêche pas Mallarmé de le considérer avec une distance ironique. Le poète se présente à ses contemporains sur un tableau dont l’ambiguïté ne lui échappe pas : le portrait de Manet lui permet de révéler son visage par le biais d’une œuvre d’art, mais celle-ci transgresse les codes courants du portrait de personnalité.

Sur la moitié droite du tableau, le regard de Mallarmé se détourne de celui du spectateur[29]. Excentrée et comme déconcentrée, la figure ne se laisse pas saisir. Très différent de celui que Manet avait fait de Zola huit ans plus tôt[30], le portrait du poète présente ce dernier non pas dans un espace précis et connoté, entouré par exemple d’œuvres significatives, mais sur un fond indéterminé, associé à un petit nombre d’accessoires qui ne le désignent pas directement comme écrivain. Pincé entre l’index et le majeur, là où l’on attendait un crayon, un cigare laisse échapper des volutes de fumée, dont le mouvement ascendant se substitue peut-être à l’essor idéal que devrait permettre le livre, en lieu et place duquel sont disposées deux pages blanches, dissimulant un cahier. Le poète n’écrit pas mais fume, et les feuillets – d’ailleurs vierges – sur lesquels sa main s’appuie sont seulement effleurés du regard, avec désinvolture. Ni en pied ni en buste, le portrait est coupé au genou, comme si l’image n’avait pas fait l’objet d’une véritable composition. Mallarmé y apparaît avec la nonchalance d’un homme qui ne désirerait ni se montrer ni poser, non conventionnel, un poète qui ne se prendrait pas au sérieux et dont la représentation, certainement originale et même radicale – surtout si l’on considère qu’elle est destinée à présenter un « poète maudit », dont elle n’illustre justement pas l’imaginaire – est réservée aux années du relatif anonymat de Mallarmé. L’apothéose que commente Verlaine, en effet, est très ambivalente, et c’est sur un ton enjoué que le poète, en faisant mine de se mythifier, mythifie plutôt l’œuvre, épargnée ici par la représentation comme par l’idéologie ambiante de la malédiction littéraire.

Plus tard, au contraire, au moment de faire paraître le volume Vers et Prose chez Perrin, en 1892, Mallarmé choisit d’y associer une lithographie toute récente de Whistler :

Fig. 4 : James Abbott McNeill Whistler, Stéphane Mallarmé, c. 1892, lithographie, 20.5×15.6, Brooklyn Museum (source : Wikimedia commons)

Près de dix ans après la parution des Poètes maudits, la légende littéraire à laquelle Mallarmé paraît se rallier est beaucoup plus convenue. Tandis que le recueil rassemble ses poèmes les plus fameux et les plus admirés, finissant d’établir sa réputation dans un champ poétique dont il deviendra bientôt le « prince », l’image qui l’accompagne s’appuie sur un imaginaire qui non seulement convient à sa célébrité mais la sert. À une époque où cette dernière est entretenue par d’innombrables mystères, par une poétique de la « suggestion » dont on lui attribue la découverte, le portrait de Whistler présente à son tour une figure embrumée, pour ne pas dire obscure. Dans les termes de Jean-Michel Nectoux, « le poète y paraît […] plongé dans cet air des songes où il semble tout à la fois qu’il vit, respire et se perd »[31]… plongé ainsi dans une atmosphère littéraire conforme à l’idéologie de la malédiction littéraire, qui à la fin du siècle sert de caution et d’étalon à la valeur artistique[32], le portrait retirant à l’œuvre la tâche d’acquérir sa propre valeur et la lui assurant par là d’autant plus sûrement.

La tête penchée sur le côté et les paupières mi-closes, la figure évite tout confrontation avec le spectateur, comme dans le portrait de Manet. Elle apparaît fondue dans un crayonnage, comme émergeant de griffonnements, dans une quasi-abolition de soi suggérée par des traits vifs et horizontaux qui lui donnent forme tout en la raturant. Tandis que la même année Renoir le présentait dans une pose plus classique[33], Whistler donne à Mallarmé le moyen de renforcer un mythe, dont il n’est certainement pas dupe mais qu’il choisit de relayer. Il ne résiste plus ainsi à la poétique du poète maudit, déclinée dans le même volume sous la forme d’une « disparition élocutoire du poète », formulée alors pour la première fois[34]. Les deux portraits par Manet et Whistler permettent non seulement de saisir des stratégies auctoriales – consistant soit à s’inscrire en faux contre les représentations courantes du poète, soit à se les approprier quitte à les pousser vers leur extrême –, mais ils permettent surtout de voir ce que l’œuvre peut gagner à être associée à une figure de poète ; et Mallarmé en est parfaitement conscient. Or, si le portrait de Whistler permet de soutenir une vision de l’œuvre conforme aux déclarations de « Crise de vers », et plus facile à diffuser, son intervention tardive – qui plus est temporaire – dans la carrière de Mallarmé laisse penser que cette vision n’est pas la seule possible, et même peut-être pas la plus valable aux yeux du poète[35]. Adoptée quand il s’agit de diffuser un florilège, elle n’est privilégiée ni dans la longue période pendant laquelle Mallarmé s’impose progressivement dans le champ des lettres, ni dans les dernières années de sa vie. À partir de 1896, en effet, la figure stéréotypée de Whistler est accompagnée d’un autre visage. C’est celui d’un portrait photographique par Nadar que Mallarmé choisit d’apposer à la présentation que la revue La Plume lui consacre, peu après la réception de son titre de « prince des poètes », dans son numéro du 15 mars :

Fig. 5 : Paul Nadar, Stéphane Mallarmé, 1895, photographie, tirage d’après un cliché verre daté du 25 février 1896, Photothèque de la Caisse nationale des Monuments historiques (source : Wikipédia)

Même s’il demande alors au directeur de la revue de reproduire l’image « en citant le nom du photographe »[36], reste que ce troisième portrait a moins pour but d’esthétiser que d’identifier le visage du poète, lequel échange enfin avec le spectateur un premier regard.

Les visages successifs que Mallarmé présente à son public vont dans le sens d’une plus grande simplification : du tableau ambivalent, à la fois ironique et mythifiant, de Manet, à l’image légendaire propagée avec la complicité – pas nécessairement consciente – de Whistler, jusqu’au portrait officiel de Nadar, le poète paraît apprivoiser progressivement son statut d’homme public et son rôle social d’écrivain[37]. Le troisième visage, à la fois bienveillant et autoritaire, suscite une dernière fiction. Parfaitement en adéquation avec son image publique, le poète y revêt, comme un comédien enfin crédible, dans un rapport à l’œuvre le plus distant possible, l’apparence du « grand écrivain ».

Annick Ettlin

Université de Genève

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POUR CITER CET ARTICLE

Annick Ettlin, « Deux visages de Mallarmé : les portraits de Manet et Whistler », Nouvelle Fribourg, n.3, juin 2018, URL : https://www.nouvelle-fribourg.com/archives/deux-visages-de-mallarme-les-portraits-de-manet-et-whistler/ 

 

 

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NOTES

1 Stéphane Mallarmé, « Crise de vers », Œuvres complètes, 2 vol., éd. Bertrand Marchal, Paris, Gallimard, coll. « Bibliothèque de la Pléiade », 1998-2003, t. II, p. 211.

2 Roland Barthes, « La Mort de l’auteur » (1968), Le Bruissement de la langue, Paris, Seuil, coll. « Points Essais », 1993, p. 62.

3 Pour une autre discussion sur les « visages » dans l’œuvre de Mallarmé, mais qui porte exclusivement sur les visages absents, neutres ou « en crise », témoins de l’inconfort du poète face à la poétique de l’expression des symbolistes, voir Laurent Mattiussi, « Mallarmé et le procès d’impersonnification. Narcisse se dévisage », Romantisme, 99, 1998, p. 105-116.

4 Cette notion mériterait à elle seule une enquête : elle prend un sens particulier sous la plume de Mallarmé, qui n’oublie certainement pas qu’elle a déjà été mobilisée dans un cadre poétique par les Parnassiens ; il la ressaisit notamment dans ses textes sur le théâtre, sur la danse et sur l’opéra de Wagner, puis plus tard dans ses Variations sur un sujet. La réflexion, à mon sens, y est si ce n’est théorique, au moins esthétique, engageant des stratégies qui n’ont pas nécessairement d’origines philosophiques ; à ce sujet, voir Annick Ettlin, « L’Impersonnalité de Mallarmé. Notes sur la valeur de l’œuvre moderne », Nineteenth-Century French Studies, 45:1&2, Fall-Winter 2016-2017, p. 98-114.

5 Sur le caractère postural de la « disparition élocutoire » et de l’« impersonnalité », voir les travaux de Daniel Oster, notamment L’Individu littéraire, Paris, PUF, coll. « Écriture », 1997 ; et La Gloire, Paris, P.O.L., 1997.

6 Les portraits de Mallarmé par Gauguin, Renoir, Valloton, Vuillard ou Munch, par exemple, sont rassemblés dans le beau livre de Jean-Michel Nectoux, Mallarmé : un clair regard dans les ténèbres. Peinture, musique, poésie, Paris, Adam Biro, 1998.

7 Sur la vogue des portraits littéraires au XIXe siècle, voir Hélène Dufour, Portraits, en phrases. Les recueils de portraits littéraires au XIXe siècle, Paris, PUF, coll. « Écriture », 1997.

8 Stéphane Mallarmé, « Whistler », Œuvres complètes, op. cit., t. II, p. 146. Les autres citations de ce paragraphe sont tirées du même texte et figurent sur la même page.

9 Id., « Manet », ibid., p. 147. Sauf indication contraire, les autres citations de ce paragraphe sont tirées du même texte et figurent sur les p. 146-147.

10 Id., « Whistler », ibid., p. 146.

11 Ibid.

12 Nausicaa Dewez et David Martens, « Iconographies de l’écrivain. Du corps de l’auteur au corpus de l’œuvre », Interférences littéraires, 2, mai 2009, p. 11.

13 Federico Ferrari, Jean-Luc Nancy, Iconographie de l’auteur, Paris, Galilée, coll. « Lignes fictives », 2005.

14 Christian Doumet, « De l’auteur représenté au frontispice de son livre » dans Jean-François Louette, Roger-Yves Roche (dirs.), Portraits de l’écrivain contemporain, Seyssel, Champ Vallon, coll. « Essais », 2003, p. 13.

15 Pierre Michon, Corps du roi, Lagrasse, Verdier, 2002, p. 11-16 et 55-68. Sur les photographies d’écrivains et leur « charge mythologique », voir le numéro dirigé par Jean-Pierre Bertrand, Pascal Durand et Martine Lavaud, Le Portrait photographique d’écrivain, COnTEXTES, 14, 2014, URL : http://contextes.revues.org/5904.

16 Roland Barthes, « L’Écrivain en vacances », Mythologies (1957), Paris, Seuil, coll. « Points Civilisation », 1970, p. 32.

17 Ibid., p. 33.

18 Sur le portrait carte de visite comme « jeu de représentation », voir Adeline Wrona, « Le Portrait carte, de la photographie au journal. Le marché périodique du portrait d’écrivain », COnTEXTES, 14, 2014, URL : http://contextes.revues.org/5942.

19 Stéphane Mallarmé, « Laurent Tailhade », Œuvres complètes, op. cit., t. II, p. 128.

20 Id., « Sur le roman illustré par la photographie », ibid., p. 668.

21 Id., « Fine Art Gossip », octobre-novembre 1875, ibid., p. 417-418, je souligne.

22 Id., « Le Tombeau d’Edgar Poe », Œuvres complètes, op. cit., t. I, p. 38.

23 À ce sujet, voir le témoignage de Paul Valéry dans Degas Danse Dessin, Œuvres, 3 vol., éd. Michel Jarrety, Paris, Le Livre de Poche, coll. « La Pochothèque », 2016, t. II, p. 531.

24 Edvard Munch, Stéphane Mallarmé, 1897, lithographie, Art Institute Chicago, URL : http://www.artic.edu/aic/collections/artwork/13521.

25 Paul Verlaine, « Avertissement à propos des portraits ci-joints », Les Poètes maudits, éd. Michel Décaudin, Paris, Société d’édition d’enseignement supérieur, 1982, p. 16.

26 Stéphane Mallarmé, lettre à Paul Verlaine, 22 août 1883, Correspondance, 12 vol., éd. Henri Mondor, Lloyd James Austin, Paris, Gallimard, 1959-1985, t. II, p. 245.

27 Id., lettre à Paul Verlaine, 3 novembre 1883, ibid., p. 248.

28 Voir la lettre à Arthur O’Shaughnessy, 19 octobre 1876, ibid., p. 130.

29 Depuis les travaux de Michael Fried en particulier, on connaît pourtant l’intérêt de Manet pour la « frontalité » des personnages picturaux (voir Le Modernisme de Manet ou le Visage de la peinture dans les années 1860 (1996), trad. Claire Brunet, Paris, Gallimard, coll. « Esthétique et origine de la peinture moderne », 2000).

30 Voir Édouard Manet, Émile Zola, 1868, huile sur toile, 146.5x114, Musée d’Orsay, URL : http://www.musee-orsay.fr/fr/collections/catalogue-des-oeuvres/notice.html?no_cache=1&nnumid=713. Les deux portraits et leurs différences sont notamment commentés par Jean-Luc Steinmetz, « Interscriptions (Mallarmé-Zola) », Le Champ d’écoute. Essais critiques, Neuchâtel, La Baconnière, coll. « Langages », 1985, p. 199-229.

31 Jean Michel Nectoux, Mallarmé : un clair regard dans les ténèbres, op. cit., p. 80.

32 Sur la malédiction littéraire et son utilisation stratégique par les écrivains des XIXe et XXe siècles, voir Pascal Brissette, Marie-Pier Luneau (dir.), Deux siècles de malédiction littéraire, Liège, PU de Liège, coll. « Situations », 2014.

33 Voir Pierre-Auguste Renoir, Portrait de Stéphane Mallarmé, 1892, huile sur toile, 40x50, Musée national des châteaux de Versailles et de Trianon, URL : https://www.wikiart.org/en/pierre-auguste-renoir/portrait-of-stephane-mallarme-1892.

34 Stéphane Mallarmé, Vers et prose. Morceaux choisis, Paris, Perrin, 1893, p. 192.

35 Sur ces questions, voir Annick Ettlin, Le Double Discours de Mallarmé. Une initiation à la fiction, Paris, Ithaque, 2017, en particulier les chapitres six, sept et huit.

36 Stéphane Mallarmé, lettre à Léon Deschamps, 5 février 1896, Correspondance, op. cit., t. VIII, p. 53. La demande du poète n’est toutefois pas honorée par le directeur du journal.

37 Il est significatif à cet égard que Mallarmé ait choisi le portrait tout en sobriété de Nadar plutôt que les portraits « à domicile » de Dornac réalisés autour de 1893 (URL : http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b84329634/f31.item), et qu’il l’ait même préféré à un autre portrait de Nadar, le fameux Mallarmé « au châle » (URL : http://www.artnet.com/events/auctions-calendar/de-la-bibliotheque-stephane-mallarme-at-sothebys-paris/) – ces deux autres photographies, en effet, révèlent beaucoup plus clairement une scénographie d’auteur, qui plus est privée. À ce sujet, voir Pascal Durand, « De Nadar à Dornac. Hexis corporelle et figuration photographique de l’écrivain », COnTEXTES, 14, 2014, URL : https://contextes.revues.org/5933.

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