L’irruption des mots
Je ris aux mots. J’aime quand ça démarre, qu’ils s’agglutinent, et je les déglutis comme cent cris de grenouille en frai. Ils sautent et s’appellent, s’éparpillent et m’appellent et se rassemblent et je ne sais si c’est Je qui leur réponds ou eux encore dans un tumulte intraitablement frais qui vient sans doute de nos […]
Liens
Cordes faites de cris Sons de cloches à travers l’Europe Siècles pendus Rails qui ligotez les nations Nous ne sommes que deux ou trois hommes Libres de tous liens Donnons-nous la main Violente pluie qui peigne les fumées Cordes Cordes tissées Câbles sous-marins Tours de Babel changées en ponts Araignées-Pontifes Tous les amoureux qu’un seul […]
Nous avons
Notre parole, en archipel, vous offre, après la douleur et le désastre, des fraises qu’elle rapporte des landes de la mort, ainsi que ses doigts chauds de les avoir cherchées. Tyrannies sans delta, que midi jamais n’illumine, pour vous nous sommes le jour vieilli ; mais vous ignorez que nous sommes aussi l’œil vorace, bien […]
Tu as bien fait de partir, Arthur Rimbaud !
Tes dix-huit ans réfractaires à l’amitié, à la malveillance, à la sottise des poètes de Paris ainsi qu’au ronronnement d’abeille stérile de ta famille ardennaise un peu folle, tu as bien fait de les éparpiller aux vents du large, de les jeter sous le couteau de leur précoce guillotine. Tu as eu raison d’abandonner le […]
Bords de mer
La mer jusqu’à l’approche de ses limites est une chose simple qui se répète flot par flot. Mais les choses les plus simples dans la nature ne s’abordent pas sans y mettre beaucoup de formes, faire beaucoup de façons, les choses les plus épaisses sans subir quelque amenuisement. C’est pourquoi l’homme, et par rancune aussi […]
Portrait légèrement déhanché
La vie me fut un merveilleux voyage Gouffre intérieur de pleurs emplis, palais vendus pour rien, pour s’en aller plus vite, sans bagages Léger, des vieux portiers inentendu. Me fut ? Non pas. Elle m’est un parfum où le jais à jamais se mêle à la cannelle Où je goûte la vie si belle d’être […]
Je vous parle des murs
Si tu parles aux murs, fais attention, je te préviens fais attention. Les murs sont comme ces plantes bizarres qui semblent fermées et quiètes. Mais ce n’est pas vrai. Un moment ou l’autre, elles s’ouvrent subrepticement — c’est toujours au contact d’une proie ingénue — et elles se referment vous ayant happé irrémédiablement, et assimilé. […]
L’explication des métaphores
Loin du temps, de l’espace, un homme est égaré, Mince comme un cheveu, ample comme l’aurore, Les naseaux écumants, les deux yeux révulsés, Et les mains en avant pour tâter le décor — D’ailleurs inexistant. Mais quelle est, dira-t-on, La signification de cette métaphore : « Mince comme un cheveu, ample comme l’aurore » […]
Poursuite
Un monument, dans la fuite du jour, Se penche, au bord de mourir fleuve et poudre. Ah ! maintenez, mes regards, cette tour Debout, loin des pensées qui la veulent dissoudre. Les premiers frôlements d’une aile noire Et la distance à mes mains s’opposant Brisent la pierre et font que ce Présent Déjà dévale, […]
Les travaux de Sisyphe
La nuit est un grand espace cubique. Résistant. Extrêmement résistant. Entassement de murs et en tous sens, qui vous limitent, qui veulent vous limiter. Ce qu’il ne faut pas accepter. Moi, je n’en sors pas. Que d’obstacles pourtant j’ai déjà renversés. Que de murs bousculés. Mais il en reste. Oh ! pour ça, il en […]